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la pensée où se meut le moyen âge. Ce sont des germes qui n’ont pas la force nécessaire pour se développer pour former un ensemble organisé exempt de contradictions. Le vieux et le neuf s’y entremêlent et se combattent à la fois d’une façon consciente et inconsciente. Nicolas de Cusa veut être un philosophe du moyen âge, quoique libéral ; il est, sans le vouloir, un philosophe moderne.

Ce qu’il veut, c’est ce que Leibnitz, Kant et ses successeurs ont réalisé. Il n’a résolu à fond aucun des problèmes qu’il se pose ; il est resté partout sur le seuil, en face des questions et des résultats empruntés aux systèmes qu’il a voulu concilier.

Nous souscrivons volontiers à ce jugement, qui dans sa généralité nous paraît exact et avait déjà été porté par les écrivains antérieurs (Voy. Eucken). Comment notre auteur le justifie-t-il et parvient-il à lui donner plus de précision ? Le passage suivant nous l’apprend, en ce qui concerne la direction nouvelle et les mérites principaux du penseur dont M. Falkenberg entreprend de mieux faire connaître les idées et les services rendus à la philosophie.

Le nouveau, c’est : 1o l’intérêt pour les mathématiques et les recherches naturelles ; 2o le retour plus intelligent à l’antiquité mieux comprise et plus profondément interprétée, 3o une appréciation plus originale de ce qu’il lui emprunte.

« Après Pythagore, Platon, Aristote et les stoïciens, ce sont surtout les néo-platoniciens et les Pères de l’Église eux-mêmes, s’inspirant des Alexandrins, saint Augustin et Denys l’Aréopagite, où il puise. Des idées depuis longtemps oubliées avec lui reparaissent : la valeur, que rien ne peut remplacer, de l’individu, sa force capable de tout embrasser, la nature invisible de Dieu et cependant comme telle saisissable dans l’extase mystique, l’activité faisant le fond de l’univers, la véritable réalité de l’esprit, dont l’essence est de connaître, puisant les trésors de la science à la source de sa nature intime ; et toutes ces idées exprimées non sous la forme sentimentale de fatigue et d’épuisement dans laquelle l’antiquité à son déclin les avait produites, mais avec la vigueur, la vie, la jouissance anticipée de l’avenir qui annonce une race nouvelle et rajeunie. Ajoutons l’idée du développement déjà énergiquement annoncée, quoique non encore prouvée, celle de l’harmonie universelle du monde, et, comme prélude de la conception enthousiaste de la nature de J. Bruno, une reconnaissance de l’action divine, plus rapprochée, présente dans le fini, le remplissant. Tout cela, c’est comme des boutons, des bourgeons qui apparaissent après une rosée bienfaisante. »

Le plan adopté par l’auteur est celui-ci : 1o Dieu et le monde, 2o la Création, 3o la Cosmologie, 4o le But de l’univers, 5o l’essence de l’Ame et son rapport avec le corps. Mais c’est surtout la théorie de la Connaissance qui fait l’objet principal de cette étude, la science du non-savoir (docta ignorantia), les degrés de la connaissance, les sens et l’imagination, la raison et l’intellect, C’est en étudiant chacun de ces points qu’il prétend justifier et préciser ses assertions.