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purs schémas, des extraits fixés par un signe, l’élément moteur s’appauvrit dans la même mesure que l’élément représentatif. Si l’on considère toutes les formes d’activité que nous venons de passer en revue comme des complications successives du réflexe simple, on peut dire que les idées abstraites sont une ramification collatérale, faiblement rattachée au tronc principal et qui s’est développée à sa manière. Leur tendance motrice se réduit à cette parole intérieure, si faible qu’elle soit, qui les accompagne, ou au réveil de quelque autre état de conscience. Car, de même qu’en physiologie la période centrifuge d’un réflexe n’aboutit pas, toujours à un mouvement, mais aussi bien à la sécrétion d’une glande ou à une action trophique ; de même, en psychologie, un état de conscience n’aboutit pas toujours à un mouvement, mais à la résurrection d’autres états de conscience, suivant le mécanisme bien connu de l’association.

L’opposition si souvent notée entre les esprits spéculatifs, qui vivent dans les abstractions, et les gens pratiques, n’est que l’expression visible et palpable de ces différences psychologiques que nous venons de signaler. Rappelons encore, à titre d’éclaircissement des vérités banales : la différence entre connaître le bien et le pratiquer, voir l’absurdité d’une croyance et s’en défaire, condamner une passion et la sacrifier. Tout cela s’explique par la tendance motrice, extrêmement faible, de l’idée réduite à elle-même. Nous ignorons es conditions anatomiques et physiologiques nécessaires pour la naissance d’une idée abstraite, mais nous pouvons affirmer sans témérité que, dès qu’elle devient un motif d’action, d’autres éléments s’y ajoutent : ce qui arrive chez ceux qui se dévouent à une idée ».

II

À s’en tenir à ce qui précède, l’activité volontaire nous apparaît comme un moment dans cette évolution ascendante qui va du réflexe simple, dont la tendance au mouvement est irrésistible, à l’idée abstraite, où la tendance à l’acte est à son minimum. On n’en peut fixer rigoureusement ni le commencement ni la fin, la transition d’une forme à l’autre étant presque insensible.

À dessein et pour des raisons de clarté, nous n’avons pas examiné le problème dans sa complexité. Nous avons même éliminé l’un des éléments essentiels, caractéristiques, de la volonté. Telle qu’on l’a considérée jusqu’ici, elle pourrait être définie : un acte conscient,