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TH. RIBOT. — la volonté comme pouvoir d’arrêt

plus ou moins délibéré, en vue d’une fin simple ou complexe, proche ou lointaine. C’est ainsi que paraissent l’entendre des auteurs contemporains, tels que Maudsley et Lewes, lorsqu’ils la définissent « l’excitation causée par des idées » (impulse by ideas) ou bien « la réaction motrice des sentiments et des idées ». Ainsi comprise, la volition serait simplement un « laissez faire ». Mais elle est tout autre chose. Elle est aussi une puissance d’arrêt, ou, pour parler la langue de la physiologie, un pouvoir d’inhibition.

Pour la psychologie fondée sur la seule observation intérieure, cette distinction entre permettre et empêcher a peu d’importance ; mais pour la psychologie, qui demande au mécanisme physiologique quelque éclaircissement sur les opérations de l’esprit, – et qui tient l’action réflexe pour le type de toute activité, — Nous allons essayer de le montrer. Malheureusement, la physiologie qui nous sert de guide est pleine d’indécisions et de lacunes sur la question.

Le cas le plus simple du phénomène d’arrêt ou d’inhibition consiste dans la suspension des mouvements du cœur par l’excitation du pneumogastrique. On sait que le cœur (indépendamment des ganglions intra-cardiaques) est innervé par des filets venant du grand sympathique, qui accélèrent ses battements, et par des filets du nerf vague. La section de ce dernier augmente les mouvements ; l’excitation du bout central au contraire les suspend plus ou moins long-temps. Il est donc un nerf d’arrêt, et l’inhibition est généralement considérée comme le résultat d’une interférence. L’activité réflexe — elle est capitale des centres cardiaques est ralentie ou suspendue par les excitations venant du bulbe. En d’autres termes, l’action motrice du pneumogastrique se dépense dans les centres cardiaques en activité et produit un arrêt. Tout ceci n’a pas une portée psychologique immédiate : mais voici qui nous touche plus.

C’est un fait bien connu que l’excitabilité réflexe de la moelle augmente, quand elle est soustraite à l’action du cerveau. L’état des animaux décapités en fournit des preuves frappantes. Sans recourir à ces cas extrêmes, on sait que les réflexes sont bien plus intenses pendant le sommeil qu’à l’état de veille. Pour expliquer ce fait, quelques auteurs ont admis dans le cerveau des centres d’arrêt. Setschenow les plaçait dans les couches optiques et la région des tubercules quadrijumeaux. Il s’appuyait sur ce fait qu’en excitant, par des moyens chimiques ou autres, les parties précitées, il produisait une dépression des réflexes — Goltz place ces centres d’arrêt dans le cerveau proprement dit.