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TH. RIBOT. — la volonté comme pouvoir d’arrêt


III

Nous avons considéré jusqu’ici l’activité volontaire sous une forme exclusivement analytique, qui ne peut en donner une idée exacte, la montrer dans sa totalité. Elle n’est ni une simple transformation d’états de conscience quelconques en mouvement, ni un simple pouvoir d’arrêt : elle est la réaction propre d’un individu. Il nous faut insister sur ce point, sans lequel la pathologie est incompréhensible.

Les mouvements volontaires ont pour premier caractère d’être adaptés ; mais c’est une marque qui leur est commune avec l’immense majorité des mouvements physiologiques : la différence n’est qu’en degrés.

En laissant de côté les mouvements d’ordre pathologique (convulsions, chorée, épilepsie, etc.) qui se produisent sous la forme d’une décharge violente et désordonnée, l’adaptation se retrouve du plus bas au plus haut.

Les réflexes ordinaires sont des réactions de la moelle épinière, adaptées à des conditions très générales et par conséquent très simples, uniformes, invariables d’un individu à l’autre (sauf les cas exceptionnels). Ils ont un caractère spécifique.

Un autre groupe des réflexes représente les réactions de la base et de la partie moyenne de l’encéphale — bulbe, corps striés, couches optiques. — Ces réactions sont encore adaptées à des conditions générales, peu variables, mais d’un ordre beaucoup plus complexe : c’est l’activité « sensorio-motrice » de certains auteurs. Elles ont encore un caractère bien plus spécifique qu’individuel, tant elles se ressemblent d’un individu à l’autre, dans la même espèce.

Les réflexes cérébraux, surtout les plus élevés, consistent en une réaction adaptée à des conditions très complexes, très variables, très instables, différant d’un individu à l’autre, et d’un instant à l’autre dans le même individu. Ce sont les réactions idéo-motrices, les volitions. Si parfaite qu’elle soit, cette adaptation n’est cependant pas pour nous ce qui importe. Elle n’est qu’un effet, dont la cause n’est pas la volition, mais l’activité intellectuelle. L’intelligence étant une correspondance, un ajustement continuel de relations internes à des relations externes, et sous sa forme la plus haute, un ajustement parfaitement coordonné ; la coordination de ces états de conscience implique celle des mouvements qui les expriment. Dès qu’un but est