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TH. RIBOT. — la volonté comme pouvoir d’arrêt

qu’il réagit — est un produit extrêmement complexe que l’hérédité, les circonstances physiologiques antérieures et postérieures à la naissance, l’éducation, l’expérience, ont contribué à former. On peut affirmer aussi sans témérité que ce qui le constitue, ce sont bien plutôt des états affectifs, une manière propre de sentir, qu’une activité intellectuelle. C’est cette manière générale de sentir, ce ton permanent de l’organisme qui est le premier et véritable moteur. S’il fait défaut, l’homme ne peut plus vouloir : la pathologie nous le fera voir. C’est parce que cet état fondamental est, suivant la constitution des individus, stable ou labile, continu ou variable, énergique ou faible, qu’il y a trois types principaux de volonté — ferme, faible, intermitente — avec tous les degrés et nuances que ces types comportent ; mais, nous le répétons encore, ces différences proviennent du caractère de l’individu, qui dépend de sa constitution propre : il n’y a rien à rien à chercher au delà.

Nous sommes donc complètement d’accord avec ceux qui nient que que la prédominance d’un motif explique à elle seule la volition. Le motif prépondérant n’est qu’une portion de la cause et toujours la plus faible, quoique la plus visible ; il n’a d’efficacité qu’autant qu’il est choisi, c’est-à-dire qu’il entre à titre de partie intégrante dans la somme des étais qui constituent le moi à un moment donné, et que sa tendance à l’acte s’ajoute à ce groupe de tendances qui viennent du caractère, pour ne faire qu’un avec elle[1].

  1. « Le groupe entier des états psychiques qui constituent l’antécédent d’une action, constituent aussi l’homme même à ce moment, le constitue psychiquement en tant que distinct de son moi physique. Il est également vrai que c’est lui qui a déterminé l’action et que c’est l’impulsion qui l’a déterminée, vu que l’impulsion, pendant qu’elle existe, constitue son état de conscience, qui n’est autre que lui-même… Il s’ensuit inévitablement que lorsque quelque impression reçue du dehors fait naître certains phénomènes de mouvement appropriés et diverses impressions qui doivent les suivre ou les accompagner ; et quand, sous l’excitation de cet état psychique composé, les phénomènes de mouvement passent de l’état naissant à l’état actuel, cet état psychique composé qui forme le stimulus à l’action est en même temps le moi qui est dit vouloir l’action. Ainsi, il est assez naturel que le sujet de tels changements psychiques dise qu’il veut l’action, puisque, considéré au point de vue psychique, il n’est en ce moment rien de plus que l’état de conscience composé par lequel l’action est excitée. Mais dire que la production de l’action est, pour cette raison, le résultat du libre arbitre du moi, c’est dire qu’il détermine la cohésion des états psychiques par lesquelles l’action est excitée ; et, comme ces états psychiques constituent le moi en ce moment, c’est dire que ces états psychiques déterminent leur propre cohésion, ce qui est absurde. Leur cohésion a été entièrement déterminée par l’expérience, — la plus grande partie constituant ce que nous appelons son caractère naturel, par les expériences des organismes antérieurs, le reste par ses propres expériences. Les changements qui, à chaque moment, se produisent dans sa