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H. Charlton Bastian. — Le cerveau, organe de la pensée chez l’homme et chez les animaux. 2 vol. in-8o de la Biblioth. scientif. internationale, 542 p. Paris, Germer Baillière, 2882.

Une doctrine philosophique, la théorie de l’évolution, et un fait anatomique, le rapport des équivalences morphologiques avec les équivalences physiologiques, forment la conception maîtresse de l’important ouvrage du Dr Bastian. La première de ces deux idées na pas besoin d’explication ; il suffira d’un exemple pour bien faire comprendre la seconde : que l’histologiste observe dans l’écorce cérébrale des zones de grosses cellules, il les considérera comme les analogues des colonnes antérieures motrices de la moelle. Il est certain que, si la fonction précède l’organe, comme les physiologistes l’admettent généralement et comme les transformistes le pensent, partout où il y a même fonction, il doit y avoir même structure. M. Bastian, à la vérité, ne pose pas, en manière d’axiomes, ces deux principes au début de son œuvre, pour l’en déduire successivement tout entière ; mais, qu’il l’ait vu et voulu ou non, ils en apparaissent, ce me semble, comme les idées directrices : ce qu’il était bon sans doute de signaler en commençant cette analyse aussi exacte et complète qu’il sera possible de la faire.

Pour éviter de trop en interrompre le cours, je présenterai tout de suite quelques remarques ou observations sur différents points. Les figures de l’ouvrage sont en partie prises dans le Traité d’anatomie de Sappey ; certaines pourtant ont vieilli, car on a modifié plus d’une idée de Ludovic Hirschfeld, On ne voit pas trop pourquoi la structure interne du cerveau humain (t. II, p. 76) n’est pas décrite après sa structure externe et pourquoi entre ces deux parties d’un même sujet vient s’intercaler un chapitre sur le langage. C’est là un défaut de composition. — On ne peut pas ne pas signaler quelques lacunes : pourquoi n’y a-t-il rien au chapitre Il du tome I sur la chimie du tissu nerveux ? Quand on parle du tissu musculaire, on se garde bien de ne pas indiquer sa composition chimique. De même, la nature de l’action nerveuse semble liée à la composition chimique de la substance nerveuse. Peut-être M. Bastian a-t-il laissé de côté cette question, parce qu’elle touche à la physiologie : celle-ci en effet a peu de place dans son livre, tout rempli d’anatomie. Sans doute l’importance accordée à cette dernière science est légitime, et l’usage que fait l’auteur de l’anatomie comparée en particulier est à la fois un rare mérite et une idée féconde en résultats ; mais de quelques points la physiologie est trop absente, réduite qu’elle est à de brèves indications. C’est ainsi qu’on cherche en vain un exposé des travaux récents sur la circulation cérébrale dans ses rapports avec l’idéation, et sur la thermométrie céphalique considérée comme un signe de l’activité fonctionnelle de diverses parties du cerveau. C’est ainsi qu’on trouve fort peu de choses, et implicitement dites, sur la mémoire, alors cependant que l’importance du souvenir est si grande pour une explication de la conscience ; M. Bastian traite donc de