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plus bizarre, et la lecture en est peu agréable, quoiqu’à plus d’un égard elle provoque la pensée et quoique l’auteur soit sans conteste le talent le plus original et le plus remarquable que puisse montrer l’école de Schopenhauer.

De tous les sectateurs de la métaphysique de la volonté, Hellenbach s’écarte le plus de Schopenhauer, quoique, de son propre aveu, celui-ci soit le point de départ de son système. Il est individualiste et cherche à sauver l’indestructibilité de la volonté individuelle dans la mort, en admettant un « métaorganisme » caché derrière l’organisme de la cellule, et qu’il pose égal à l’âme. La volonté individuelle, dotée d’un métaorganisme, mène sa vraie vie dans un au-delà à quatre dimensions ou même sans dimension aucune, vie qui est aux intervalles des vies à trois dimensions comme la vie diurne de l’homme aux rêves de ses nuits. Les expériences des différentes incorporisations sont conservées et en quelque sorte capitalisées dans le métaorganisme, si bien que la vie totale de chaque individu doué de volonté représente dans la série de ses incorporisations un véritable processus de développement. Le vrai bien du métaorganisme sert comme principe unique de la morale, de même que les actions du métaorganisme sur l’organisme épuisent toute la métaphysique de Hellenbach, qui ne veut donner sur Dieu d’énoncés ni positifs ni négatifs. Comme l’âme qui édifie pour elle et maintient l’organisme de la cellule, ainsi le métaorganisme se présente comme le principe organisateur, en faveur duquel Hellenbach poursuit une lutte énergique contre le matérialisme. Il admet sans difficulté le pessimisme pour la vie à trois dimensions, mais seulement pour lui opposer son optimisme transcendant de la vie, affranchie des cellules. L’idéalisme objectif n’arrive ici à faire valoir ses droits, qu’autant que l’individu transcendant inspire au moi conscient de l’organisme à cellules des tendances idéales, qui pourtant peuvent à peine dépasser l’horizon de l’eudémonisme individuel transcendant. En outre, et par exception, des âmes affranchies de corps agissent aussi sur des àmes incorporées, en tant que ces dernières sont exceptionnellement « peu engagées dans le monde des phénomènes » ou sont des « médiums ». Ainsi s’ouvre le domaine du spiritisme, auquel, comme on le sait, Schopenhauer s’intéressait vivement dans ce champ, aucun de ses disciples ne l’a suivi avec autant d’ardeur qu’Hellenbach par ses expériences et ses études.

Sous le rapport de la philosophie religieuse, la doctrine de Schopenhauer passe, on le sait, pour une restauration moderne et occidentale de la philosophie religieuse de l’Inde, dans laquelle il faut distinguer trois subdivisions : la doctrine védanta, la doctrine sankhya