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justifiée ma critique de la méthode dialectique de Hegel et son remplacement par la méthode inductive ; mais la transformation la plus importante dans le système de Hegel, la transformation métaphysique, il la voit en ce que je complète par la volonté l’idée logique limitée. Bien que Borries parte de Hegel et passe par le point de vue où je me suis placé, il aboutit pourtant finalement à la métaphysique de Schopenhauer. En effet, mon défaut principal, outre le pessimisme métaphysique, est pour lui dans la coordination de la volonté et de l’idée comme de deux attributs du sujet absolu, et il élève avec Schopenhauer et en opposition avec moi la volonté en base ontologique d’un éternel monde d’idées émanant d’elle. Il fait donc de la métaphysique de la volonté de Schopenhauer le point culminant du panlogisme hégélien corrigé selon mes indications et il appelle cela « conception universelle du monde ».

Kœber occupe une position intermédiaire, d’un côté entre la philosophie de Schopenhauer et la mienne, et de l’autre entre elle et la théorie de la liberté de Schelling ; « il regarde ma philosophie comme juste par rapport à l’absolu pendant le processus du monde ; mais il la tient pour fausse par rapport à l’absolu pendant l’évolution du monde et à l’absolu avant et après cette évolution. » Il admet avec Schelling que ce n’est que par une chute, un renoncement à lui-même et à son être véritable, que l’absolu s’est précipité dans l’existence du monde ; s’il est maintenant dans son immanence le malheureux Inconscient, son état, avant la chute, a dû être celui d’une heureuse conscience de lui-même, et recouvrer cet état perdu, voilà quel doit être le but de l’évolution téléologique du monde.

Peters peut être considéré comme tenant le milieu entre Platon et moi. Il s’accorde avec moi dans la transformation du système de Schopenhauer, mais veut me dépasser autant que j’ai voulu dépasser ce dernier, et ce progrès il le cherche d’une part avec Venetianer, en ceci que l’Inconscient supra-conscient doit être conçu comme dieu conscient, d’autre part avec Platon en ceci, qu’en face de cet esprit bon, bien heureux, existant en soi, il faut admettre quelque chose de mauvais, d’infortuné, d’inconscient, existant hors de soi, un μὴ ὄν qu’il désigne comme l’espace. Il subordonne donc mon monisme de l’esprit absolu à un dualisme d’esprit et d’espace, de bien et de mal, de félicité et de misère, sans remarquer que par là il détruit la nature absolue et avec celle-ci en même temps la divinité du premier de ces deux éléments. Si Mainländer professe une diminution continue de la force, Peters est pour son augmentation continue ; pour lui, le bien croît continuellement plus que le mal dans l’évolution du monde, qu’il ne