Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
BÉNARD. — problème de la division des arts

c’est qu’il n’y a ni philosophie ni esprit philosophique là où il n’y a pas de système. Il en est de la science du beau et de la philosophie de l’art comme de toutes les autres branches de la philosophie.

Un autre savant esthéticien, M. Max Schasler, dans son Histoire de l’esthétique et dans un récent écrit publié sous ce titre : Le système des arts fondé sur un nouveau principe, etc., fait une critique singulièrement vive et même très peu polie de l’opinion de son compatriote. Il a raison sans doute quant au fond. Mais faut-il admettre avec lui que le mérite d’une division des arts et la valeur du principe qui sert de base à cette division sont la pierre de touche ou le criterium de la vérité d’un système d’esthétique ? Cela nous paraît excessif. En tout cas, cela ne peut être admis sans restriction. Car il ne suffit pas d’avoir tracé un cadre pour le remplir. Le meilleur système des arts, sous ce rapport, peut laisser beaucoup à désirer, du côté de la richesse, de l’originalité, de la justesse et de la fécondité des idées, et sous bien d’autres rapports qu’il est inutile d’énumérer.

Quoi qu’il en soit, tel est le problème dont nous voulons sommairement étudier la marche et le développement dans l’histoire. Au terme de cette recherche, on pourra constater où en est aujourd’hui la science, si sur ce point capital elle a réellement avancé et obtenu des résultats solides. Le côté qui devra surtout appeler notre attention est le principe même qui doit servir de base à la division des beaux-arts. Ce principe a-t-il été découvert ? Est-il solidement établi ? comment l’a-t-il été ? Peut-on proposer aujourd’hui un nouveau principe qui ne soit pas un principe secondaire ou dérivé, une forme extérieure ou un corollaire du vrai principe ? C’est ce qui ressortira, nous l’espérons, de cet aperçu historique et critique.

I

Le premier qui, dans l’antiquité, parmi les philosophes, s’est enquis de la nature du beau et de celle des beaux-arts, qui en a recherché l’essence et le principe, c’est Socrate. Or, quand le fils du sculpteur, Sophronisque, sculpteur lui-même avant d’être philosophe, quand Socrate allait visiter les ateliers des statuaires et des peintres, (Xén., Mén., III, 10), lorsqu’il les questionnait sur leur profession et leur donnait des conseils (ibid.), il ne songeait guère à ce problème de la division des arts et à la manière dont on devait s’y prendre pour les classer. Et cependant ainsi l’aurait voulu sa méthode, car il enseignait non seulement à tout définir (ὁρίζεσθαι), mais à raisonner selon les genres (διαλέγειν κατὰ γένη). Mais ce sujet prématuré n’avait