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ANALYSES.mantegazza. Fisonomia e Mimica.

moins d’exactitude de ces rapprochements, auxquels on ne reprochera point de manquer d’intérêt.

En tout cas, voici un exemple du procédé de démonstration.

« Les plaisirs de l’odorat, dit M. Mantegazza ({p. 156), ont une mimique presque identique à celle de la volupté, parce que ce sens présente avec les organes génitaux les rapports les plus étroits (voir Fisiologia dell’amore du même auteur, p. 176). Faites sentir à une sainte la fleur qu’elle préfère et étudiez sa physionomie. Sans le vouloir, sans le savoir, la chaste femme fermera les yeux à demi, soupirera profondément et, si elle est très sensible, frémira dans tout son corps, nous montrant ainsi un spectacle intime qu’elle n’a jamais révélé à âme qui vive, si ce n’est peut-être à l’homme aimé ! »

À titre d’exemple de cette synonymie des sensations olfactives et des émotions amoureuses, M. Mantegazza rapporte une longue discussion qu’il a eue avec un peintre de Java, nommé Raden Saleh. Les Malais, paraît-il, se reniflent au lieu de s’embrasser, et l’artiste javanais, comme tous ses congénères, trouvait le contact des nez beaucoup plus tendre que le contact des lèvres. « Par le nez, disait-il à M. Mantegazza, l’on respire ; donc nous sentons là le souffle même de la personne aimée, nos âmes se mettent directement en contact. » Il estimait les Italiennes fort belles ; mais les nez aquilins des Italiens, énormes à ses yeux, le choquaient beaucoup.

M. Mantegazza, lui, tenait pour le baiser, dont il a fait, sans pouvoir convaincre son jaune interlocuteur, une description vraiment brûlante. « Les lèvres, dit-il (p. 186), forment la limite indécise entre la peau et les entrailles, et là, sur cette frontière rose, où les douanes sont inconnues, la nature extérieure et la nature intime de l’homme se rencontrent et échangent leurs émanations ; tandis que des milliers de fibres nerveuses d’une exquise sensibilité donnent et reçoivent tout ce qui leur arrive des sens, du cœur et de la pensée… Le baiser est à la fois une caresse de la peau et des entrailles, mais il y a une différence immense entre un baiser donné et rendu, et un baiser simplement donné ou simplement reçu. Beaucoup de femmes, plus casuistes qu’un théologien doublé d’un avoué, avouent sans rougir qu’elles ont reçu beaucoup de baisers ; à leur pudeur, il suffit de n’en avoir jamais rendu. »

J’en passe et des meilleurs, voulant laisser aux futurs lecteurs de la Fisonomiale plaisir de nouvelles découvertes.

M. Mantegazza étudie successivement ainsi la mimique du plaisir et de la douleur, de la vénération, de la haine, etc.

Chacune de ces études renferme des observations intéressantes, mais un peu délayées peut-être, au moins pour notre goût personnel, dans des flots de rhétorique et de poésie.

L’auteur passe ensuite à ce qu’il appelle les expressions générales Nous allons analyser ici ce qui a trait au repos ou à l’action.

Peu d’expressions, dit M. Mantegazza, présentent un caractère plus