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ANALYSES.mantegazza. Fisonomia e Mimica.

Quelques mots sur la part revenant à la race dans les éléments de la mimique. Cette question a toujours préoccupé les physiognomonistes.

D’après un lettré de Darmstadt, cité par Lavater, l’Anglais a la démarche droite, rigide, peu souple. Dans le silence et l’inaction, sa physionomie ne fait pas du tout deviner l’esprit et la capacité que cette race possède à un degré si éminent.

Le Français a une manière dansante de marcher ; sa physionomie ouverte annonce mille choses aimables. Il ne sait pas se taire, et, quand sa bouche a cessé de parler, ses yeux et sa figure continuent la conversation. Ces traits paraissent plutôt s’appliquer à nos compatriotes du siècle dernier.

M. Mantegazza résume ainsi l’influence de la race :

« La mimique des différents peuples européens se rattache surtout à leurs caractères psychiques les plus saillants. La vertu des Italiens, dit-il, c’est le culte du beau, la pratique de l’amour le plus ardent ; leur malheur, c’est d’avoir été forcés d’obéir pendant des siècles à des tyrannies de tout genre ; leur physionomie, leur mimique est très belle, passionnée, mais défiante et pas toujours très franche. Et encore faut-il distinguer entre les différentes provinces, entre le rire gras du Milanais voisin du Celte, le sérieux du Cagliaritain frotté d’espagnol. Le plus Italien de tous, le Toscan, est le plus réservé, le plus défiant ; le Napolitain gesticule comme un télégraphe, et le Romain, dans ses mouvements sculpturaux, porte toujours tracées en caractères invisibles les lettres S. P. Q. R. D »

Pour les autres peuples, M. Mantegazza caractérise les Français en disant que leur mimique est concentrique, rapide, gaie ; chez les Anglais, dure et superbe ; chez les Allemands, lourde et gauche, etc.

Tout cela peut être vrai, mais n’est pas absolument nouveau, et c’est là le reproche général que nous ferons à l’ouvrage, d’ailleurs si nourri de faits, de M. Mantegazza. Il n’arrive pas à résumer ses idées sous une forme claire et saisissante, et, malgré les torrents d’éloquence qui l’assaisonnent, l’ensemble de ses idées conserve toujours quelque chose de nébuleux, de vague. Certains problèmes ne nous paraissent même pas abordés. Pourquoi, par exemple, le Napolitain, avec l’abondance effervescente de sa parole et de son geste, nous émeut-il généralement moins que tel homme du nord dont la mimique sobre et concentrée se réduit à quelques mouvements de peu d’étendue ?

Il faut bien le dire, le problème de la mimique est de ceux qu’il est le plus difficile de résoudre scientifiquement, comme, avec un courage méritoire, M. Mantegazza entrepris de le faire.

À notre avis, du moins, voici où réside la grande difficulté.

C’est en définitive d’après les mouvements du visage et du corps, ou d’après les traces que les plus fréquents parmi ces mouvements ont imprimées sur la physionomie et l’habitude générale, que nous jugeons des sentiments intérieurs et du caractère des individus que nous avons