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ployer. Le choix en est par conséquent arbitraire, et la question de savoir si les sensations croissent avec le logarithme de l’excitation ou proportionnellement à l’excitation même n’est plus qu’une discussion de mots.

Laas. Droit de punir et responsabilité (suite). — Dans quelle mesure est-on responsable des suites d’une action ? — Si la responsabilité s’étendait sur la série entière, il faudrait absolument s’abstenir d’agir. En réalité, l’imprévoyance n’est punissable que dans une mesure ; le droit pénal est à ce sujet moins sévère que la morale. Il en est de même en histoire et en politique, où les suites heureuses d’un acte coupable ne sont point au bénéfice de l’auteur. — Dans les actes de passion, la responsabilité est aggravée par les circonstances, et l’imputabilité est absolue si les conséquences de l’acte naissent d’une habitude (ivrognerie, jeu). — Dans le cas d’ignoratio legis, la culpabilité grandira avec la gravité des conséquences et l’importance de l’acte généralisé. La non-imputabilité d’un acte est entière, si son auteur agit inconsciemment (imbécillité, hallucination). L’être qui n’agit pas avec plein discernement et entière raison ne peut être puni rigoureusement ; la culpabilité croît avec la conscience de l’acte, de sa portée, de ses suites. — L’acte imposé, fait par contrainte, n’est pas imputable ; il en est de même de l’acte réflexe, spasmodique, ou fait en état de maladie. — L’enfant, dont le caractère est encore en voie de formation, qui est dominé souvent par les impulsions violentes du moment, n’est pas responsable ; ce n’est que plus tard, lorsque son esprit et son caractère sont formés, qu’il prend la responsabilité entière de ses actes, par une sorte d’engagement envers la société. — Sont encore irresponsables les vieillards en état de décrépitude avancée, les malades d’esprit, idiots, hallucinés, visionnaires, monomanes et les gens atteints de la folie morale lorsqu’ils ne sont pas simplement des criminels d’habitude. — Mais, dans tous les cas, reste toujours la question si l’auteur de l’acte n’y a pas été amené par des habitudes contractées dans la vie antérieure, ce qui entraînerait une responsabilité relative.

Participation de plusieurs à un acte coupable. — Les responsabilités se déplacent ; la décision devient difficile, dans les cas journaliers aussi bien qu’en histoire.

L’excitation à un acte criminel peut se faire de diverses manières : par les promesses, les menaces, l’emploi de la force et de l’autorité, la fourberie. Les cas possibles forment une échelle où la responsabilité de l’agent provocateur grandit avec la part effective qu’il a prise à l’acte, l’influence qu’il a eue sur l’auteur du crime ; d’ailleurs le sens moral fait de lui-même les distinctions principales. Si l’auteur de l’acte n’a point résisté aux tentations lorsqu’il le pouvait et le devait, il est sévèrement puni ; en tout cas, le provocateur n’est jamais entièrement innocent, ni aux yeux de la justice ni devant la morale.