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Pline et même Galien le considèrent comme le premier ancêtre de la secte empirique. Peut-être a-t-il ressenti l’influence de l’école ionienne, plus particulièrement vouée à l’observation ; peut-être, dans l’ardeur de la lutte, a-t-il opposé l’expérience aux visées spéculatives de son adversaire. Il serait alors le premier médecin qui se serait spécialement occupé de la logique de son art[1].

Avec les écoles asclépiadéennes, plus de lumière va se faire, grâce à de nombreux ouvrages subsistants. — Je pense à l’école de Cos, car nous savons peu de chose de l’école de Cnide, et rien de celle de Rhodes.

L’école de Rhodes paraît avoir brillé de bonne heure, mais d’un éclat peu durable. Dès l’époque d’Hippocrate et d’Euryphon, elle était en pleine décadence et ne comptait plus. Comment n’est-il rien resté de recherches de médecins qui furent célèbres, pas même les noms, et rien de livres, qui furent nombreux[2], pas même les titres ? C’est le secret du temps. Tout ce qu’on peut conjecturer, en cette complète absence de renseignements, c’est que l’école de Rhodes, plus ancienne, a dû faire une moindre place à l’élément philosophique.

Le grand nom de l’école de Cnide est Euryphon, cité comme tel par Galien. Contemporain d’Hippocrate, il était son aîné. On nomme après lui Ctésias, plus jeune qu’Hippocrate, qu’il paraît avoir critiqué sur une pratique chirugicale ; Eudore, astronome aussi bien que médecin ; et Chrysippe (de Cnide), son disciple[3]. Tous ces médecins avaient sans doute écrit. On attribue à Euryphon les sentences cnidiennes, éditées deux fois, la seconde avec des changements notables[4] ; quel qu’en soit l’auteur, cet ouvrage, cité et critiqué par Hippocrate[5], nous fournirait certainement de précieuses données. On attribue encore à Euryphon, ou tout au moins à son école, le traité des affections internes, le 2e livre du traité Des maladies, et peut-être le traité Du régime des gens en santé, égarés dans la Collection hippocratique. Dans ces divers ouvrages, et surtout dans les deux premiers, on voit à l’œuvre ce qui paraît avoir été la méthode propre des médecins de Cnide, savoir l’observation pure et simple, l’observation enfermée dans le détail des cas particuliers. On s’arrête, pour ainsi dire, à chaque symptôme, et on compte autant de maladies différentes que de symptômes différents. Le traité Des affections inter-

  1. Diog. Laerc. VIII, Empédocle ; Renouard, Hist. de la méd., t.  I, pp. 129, 130.
  2. Car Rhodez a eu sa bibliothèque, comme Cnide, comme Cos (Houd. ouvrage cité).
  3. Houdart, ibid. Spengel, t.  I, {{ppg|276, 286, 365, 447.
  4. Galien cité par Littré, t.  I, p. 8.
  5. Galien l’avait encore sous les yeux.