Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
revue philosophique

par la réfutation des doctrines qui la mettent dans le diaphragme ou dans le cœur.

Dans le traité Du régime (livre I), il expose que la constitution humaine résulte de deux principes contraires, mais également nécessaires, le feu et l’eau ; que du mélange et des proportions diverses de ces deux éléments naissent des différences, des tempéraments, comme on dit ; que la pensée, avec tout ce qui s’y rapporte, varie selon ces tempéraments : d’où l’on voit l’extrême importance du régime qui, modifiant la pensée avec le tempérament, modifie tout l’homme, et le fait meilleur en même temps que mieux portant.

Dans le traité Des airs, des eaux et des lieux, il note et décrit les influences, bonnes ou mauvaises, des vents, de la configuration du sol, de la qualité des eaux, des climats, des contrées orientales et occidentales, sur le corps et sur l’âme, sur la santé et les mœurs, sur la vie publique et privée.

Dans le traité Des lieux dans l’homme, s’il ne nomme pas les autres facultés de l’âme et de l’intelligence, il commence du moins par une description physiologique des sens de l’ouïe, de l’odorat et de la vue, qui n’est pas absolument sans intérêt.

Enfin, dans le traité Des songes, il analyse l’état de l’âme sous l’influence du sommeil et comment l’intelligence, momentanément affranchie des organes, s’exerce dans sa force et sa plénitude, ce qui fait des rêves de véritables indications pathologiques et thérapeutiques.

Or n’y a-t-il pas là tous les éléments d’une physique, la physique hippocratique de la médecine ?

Conclusion : Hippocrate n’a pas seulement donné à la médecine sa philosophie, mais une philosophie complète, pouvue de tous ses organes.

Aux écoles asclépiadéennes à leur déclin succèdent dans la faveur publique et la renommée les sectes alexandrines.

Et d’abord le dogmatisme. Cette secte, qui prétend remonter jusqu’à Hippocrate par Praxagoras et Diogène de Caryste, commence véritablement avec Hérophile de Chalcédoine et Erasistrate de Céos, venus de Grèce en Égypte, sous le règne de Ptolémée Soter. Ces deux médecins remarquables semblent avoir fait école dans l’école, et les historiens, par exemple Sprengel, rangent les dogmatiques en Hérophiliens et Erasistratéens[1]. Les différences qui séparent les uns

  1. Voici les listes de Sprengel. Hérophiliens : Démétrius d’Apamée, Mantias, Bacchius de Tanagre, Zénon de Laodicée, Apollonius de Libicum, Callimaque, Andréas de Caryste, etc. Erasistratéens : Strabon de Baryste, Straton de Lampsaque, Apollonius de Memphis, Icėsius, etc.