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CHAUVET. — la médecine grecque

des autres sont difficilement appréciables aujourd’hui, et nous nous bornerons à dire que les noms les plus célèbres du dogmatisme, après Hérophile et Erasistrate, sont ceux de Démétrius d’Apamée, Mantias, Andreas de Caryste, Icésius, etc.

Or tous ces dogmatiques sont également philosophes par un même endroit, la préoccupation de la méthode applicable à la médecine ; et c’est de celle qu’ils adoptent qu’ils tirent leur nom. Ce sont des logiciens, à la manière d’Hippocrate, des logiciens de l’art médical spécialement. On peut même affirmer qu’ils approfondirent cette question, soit à cause de son intérêt, soit par la nécessité de se défendre contres leurs adversaires, les empiriques et les méthodiques. On voit dans les traités de Galien relatifs à la méthode médicale, et notamment les traités Des sectes aux étudiants et De la meilleure secte à Thrasybule, avec quel soin ils avaient déterminé, avec quelle rigueur ils avaient défini les divers procédés de la méthode dogmatique, et sans proscrire ni l’observation, ni l’histoire, ni le passage du semblable au semblable, avaient mis en lumière le rôle et la nécessité du raisonnement, qui, appuyé sur la connaissance de la nature humaine, de la nature en général et de leurs rapports, cherche dans la cause du mal l’indication du remède. Sans doute cette méthode ne s’était pas constituée tout d’un coup et dès le premier jour. Elle fut l’œuvre progressive du temps et des médecins qui se succédèrent, unis dans la même inspiration hippocratique. Il ne serait certes pas sans intérêt de suivre ce développement, et de faire à chacun sa part dans ce commun travail. Malheureusement, les renseignements font défaut. Galien et Celse, qui nous parlent assez longuement des méthodes médicales et des sectes, citent en bloc les dogmatiques, les empiriques, les méthodiques, et ce n’est que rarement et par exception qu’on rencontre dans leurs expositions les plus développées un nom propre. Hérophile n’est jamais nommé par Galien[1], et Erasistrate une seule fois. Il paraît qu’Erasistrate faisait une demi-concession aux empiriques. Il admettait que l’expérience[2] permet de découvrir des remèdes simples contre des maladies simples, mais non des remèdes compliqués contre des maladies compliquées, de sorte qu’il ne faut ni lui accorder ni lui refuser toute espèce d’utilité[3]. Quoi qu’il en soit, il reste avéré que les médecins de la secte dogmatique attachèrent tous une extrême importance à la logique dans la sphère médicale et travaillèrent tous, chacun à son rang et à sa date, à la constitution de la méthode qui leur semblait être la vraie.

  1. Dans les traités de logique médicale, bien entendu.
  2. Comprenez l’expérience réduite à elle-même.
  3. Des sect. aux étud., ch.  5.