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turel de supposer que le traité De la pudeur visait les médecins qui profitent des occasions de l’offenser, et le traité Des testaments ceux qui ont l’art de s’y ménager une place ? La captation était trop en usage à Rome pour que les médecins en fussent tout à fait exempts ; et, quant à la réserve à laquelle ils sont tenus envers les femmes, on ne peut douter qu’ils ne s’en affranchissent souvent : témoin les amours d’Eudème, disciple d’Asclépiade, et de Sivilla, belle-fille de Tibère. Je citerai encore le traité Des mœurs, en quatre livres, souvent mentionné par Galien, et qui devait tenir dans sa morale la même place capitale que le traité De la démonstration dans sa logique. Sans doute ce traité Des mœurs devait avoir un caractère général ; mais se pouvait-il que les mœurs médicales n’y eussent pas leur livre ou leur chapitre ? D’où l’on voit, si mes conjectures sont justes, que Galien n’avait pas plus négligé la morale de la médecine que Hippocrate et les siens.

Mais ce qu’on ne trouverait ni chez Hippocrate ni chez les siens et qu’on trouve dans Galien, c’est une morale générale ou philosophique, où l’autre s’inspire. Parmi les ouvrages perdus de la liste de Galien, il en est un assez grand nombre qui se rapportent manifestement à cet objet. Outre le traité Des mœurs, déjà mentionné, je citerai les suivants, dont les titres me paraissent significatifs : Du plaisir et de la douleur (un livre) ; Des divers genres de vie et de leurs conséquences : Qu’il faut proportionner la punition à la faute (un livre) ; De l’indolence (un livre). Sur la liste, non plus des œuvres morales, mais des écrits relatifs à l’école épicurienne, je note également plusieurs ouvrages perdus, où les questions morales étaient certainement débattues : De la vie heureuse suivant Épicure (deux livres) ; Que ce qu’il y a d’effectif dans la volupté a été imparfaitement exprimé par Épicure (un livre) ; La philologie importe-t-elle à la morale (un livre) ? — Tous ces titres d’ouvrages nous prouvent que Galien s’était fort préoccupé de la morale, au sens compréhensif du mot, sans rien nous apprendre de sa doctrine. Mais quelques livres subsistent, en trop petit nombre, qui nous renseignent là-dessus, quoique incomplètement. Il est un double traité qui se présente sous ce double titre, Du discernement et du traitement des passions, Du discernement et du traitement des vices, dont l’intérêt est extrême. Ce sont proprement deux chapitres de morale personnelle et pratique, où abondent les fines analyses, les préceptes moraux les plus élevés, et tout pleins du plus noble souci de la vie intérieure et de la perfection spirituelle. Ils nous font la surprise de nous montrer dans Galien, dans un médecin, un de ces directeurs de conscience qui honorèrent l’antiquité à son déclin et