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CHAUVET. — la médecine grecque

inspirèrent peut-être ceux des chrétiens qui ont joué ce rôle et s’en sont attribué la découverte. — L’Exhortation aux arts, que je trouve dans les éditions des œuvres de Galien, tout en la cherchant vainement sur ses catalogues, apporte aussi un précieux contingent à la morale privée. Les arts, ici, c’est proprement le travail intellectuel, et Galien consacre son traité à la démonstration de cette thèse, à noter chez un ancien : le travail intellectuel est un devoir ; il oblige tous les hommes, quelles que soient leur naissance, leur fortune, les qualités extérieures de leur personne. — Une autre question, fort actuelle, celle des exercices corporels, dans leur rapport non seulement à la santé du corps, mais à la santé morale, est développée par Galien, non sans un vif intérêt, dans l’opuscule De l’exercice de la courte paume ; et la gymnastique, si choyée des Grecs, jugée avec une sévérité qui surprend et une autorité qui impose, dans plusieurs chapitres du traité : L’art de conserver la santé se rapporte-t-il à la médecine[1] ? En voilà plus qu’il n’est nécessaire, parmi tant de pertes, pour nous donner une idée, et la plus haute, de la morale philosophique de Galien.

Est-il besoin d’informer le lecteur que Galien a une physique, comme il a une morale et une logique ? et que cette physique n’est pas restreinte aux seules questions plus ou moins impliquées dans les recherches médicales, mais s’étend à tous les problèmes que les philosophes ont coutume d’agiter, notamment à ceux qui concernent l’homme et Dieu[2] ? Il ne s’inquiète pas seulement de la nature de l’âme et de son siège dans l’organisation[3], ce qui serait encore d’un médecin ; il veut connaître les diverses facultés générales de l’âme et les facultés particulières qu’elles comprennent, ce qui est proprement d’un philosophe. C’est ainsi qu’il adopte, en la confirmant et la développant, la division platonicienne de la raison, de la colère et de l’appétit[4]. C’est ainsi qu’il analyse la raison, dans laquelle, infidèle à Platon, qu’il prétend suivre, il distingue deux facultés élémentaires : les sens, auxquels il rattache l’imagination, la compréhension et le raisonnement ; et la puissance de mouvoir les organes, et par ceux-ci les objets environnants[5]. C’est ainsi que, sans nommer la volonté, et à plus forte raison sans l’analyser en elle-même,

  1. ch.  33, 36, 37, 41, 46, 51.
  2. La physique chez les anciens est proprement la science des êtres réels et actuels, et elle comprend un triple objet, la nature, l’homme et Dieu.
  3. Que les mœurs de l’âme suivent le tempérament du corps, ch.  1, 10. Des dogm. d’Hippoc. et de Platon, l., l, III, IV.
  4. Que les mœurs suiv., ibid. : Des dogm. d’Hipp., ibid.
  5. Des dogm. d’Hipp., l. VII ; De l’us. des part. l. V, VI, VIII, etc. : Du mouvem. des muscles, l, I.