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donnerait au moins un point d’appui pour des spéculations plus aventureuses. Mais cette solution est-elle vraiment autre chose qu’une chimère à poursuivre ?

En tout cas, le problème est, au moins comme cadre, entièrement scientifique. On a reconnu, en étudiant des êtres animés très inférieurs par rapport à nous, mais dont la simplicité relative est précisément de nature à permettre quelques aperçus nouveaux sur les mystères de notre organisation complexe, on a reconnu, dis-je, des individus accolés, soudés les uns aux autres, ayant une conscience propre, en tant que ce terme est applicable à cette échelle de l’animalité, et en même temps constituant un ensemble général, un être total, qui paraît doué d’une conscience commune.

Je n’ai qu’à rappeler à ce sujet, pour les lecteurs de la Revue, l’étude si intéressante sur les Colonies animales[1] qu’y a publiée M. Espinas, et j’ai à peine besoin d’insister sur l’intérêt majeur des questions soulevées dans cette étude. Si les constatations auxquelles j’ai fait allusion ne sont point trompeuses, la science peut au moins dans un avenir plus ou moins éloigné, préciser les conditions physiologiques pour la coexistence de ces consciences individuelles en communication les unes avec les autres. La psychologie peut profiter à son tour de ces travaux, et le concept de la conscience peut, à la suite, être élaboré plus complètement qu’il ne l’est aujourd’hui. Mais le problème métaphysique restera sans doute toujours aussi obscur et aussi susceptible de controverses qu’il l’était au temps d’Héraclite.

Paul Tannery.

  1. Numéro de juin 1889.