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écrits, et ce qui s’offre comme conséquence, ou ce qui reste au fond comme supposition, etc. »

Qu’on examine ce procédé, qu’est-il autre chose qu’une sorte de maïeutique ou d’art de faire accoucher les grands esprits en leur faisant dire non ce qu’ils ont dit ou pensé, mais ce qu’ils auraient dû penser ët dire conséquemment à leurs principes ou à leurs suppositions premières ?

Et, notez-le bien, ceux qui se livrent à cette opération ce sont des esprits venus plus de vingt siècles après eux, aidés de toutes les découvertes appuyés sur tous les progrès de la philosophie ancienne, moderne et contemporaine. Je ne dis pas qu’il n’en sortira aucun résultat fécond, qu’il n’en jaillira pas quelque lumière ; mais il n’est pas moins vrai que rien ne prête plus qu’une telle méthode à l’arbitraire des interprétations personnelles.

L’auteur, du reste, ne semble-t-il pas nous prémunir lui-même contre la portée réelle et le caractère de sa méthode, nous marquer le degré de confiance que nous devons lui accorder dans lé passage suivant, où il borne ses prétentions à faire connaître le caractère et le but de son entreprise. Nous citons encore textuellement ses paroles : « Quant au rapport dans lequel les principes d’Aristote sont avec l’imagination comme principe du processus universel, il ne s’agit pas de prouver que l’imagination est déjà dans Aristote au sens propre (eigentlich), le principe de l’être et du devenir, et de la pensée, ou du processus universel sous le rapport objectif et subjectif. Mais l’auteur veut montrer que chaque principe d’Aristote renferme un moment qui fait ressembler sa nature et son action à celles de l’imagination prises dans le sens large ; de plus une certaine unité est ainsi introduite dans la théorie des principes, d’Aristote, par cela même que des moments semblables à l’activité de l’imagination y sont mis en évidence. Par là, dès lors, se révèle l’unité de l’ensemble. Ce qui en particulier sera démontré, c’est que toute la manière d’expliquer l’univers, pour Aristote, conduit à cette conception. »

On conçoit quelle latitude l’auteur va se donner pour démontrer sa thèse. Ne pouvant le suivre dans les détails que renferme cette partie de son livre, nous en indiquerons seulement les points principaux que lui-même donne comme titres de ses chapitres :

1o L’art comme analogie générale dans l’explication aristotélique du monde.

2o Le principe de la forme et de la fin, ou l’imagination comme principe d’unité de la conception aristotélique de l’univers.

3o L’objectivité de la philosophie d’Aristote.

Regrettant de ne pouvoir aborder aucun de ces points, ni les apprécier, nous en détachons le résumé que lui-même nous présente de la pensée principale qui fait le fond de son livre, l’analogie de son système avec celui d’Aristote (p. 104) :

« Dans l’univers (la nature), réside un artiste sans cesse agissant, qui, par analogie avec l’artiste conscient, manifeste au dehors les essences particulières ou les substances (ουσιαι), combinant sans cesse la ma-