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notices bibliographiques

une hérédité nouvelle ne vient modifier celle-là, l’organisme épuisé par un trop grand travail ne pourra se transmettre du grand homme intact à ses descendants : les éléments qui constituaient son génie se dissocieront, et la médiocrité sera le terme fatal où aboutira cette évolution descendante. De là la très grande importance du rôle des femmes, Il y a sur l’hérédité par les femmes des pages très intéressantes dans le second chapitre du livre de M. Joly. On pourrait adresser à M. Joly cette objection qu’il étudie plutôt les conditions où le génie peut se manifester que le génie lui-même ; mais n’est-ce point là le propre de la psychologie ? Ce qu’elle étudie, ce sont les faits de conscience, c’est-à-dire les formes diverses qu’affecte l’esprit sous l’influence de conditions déterminées et ne serait-ce pas faire de la métaphysique que de rechercher ce qu’est le génie en soi ? Ce qui prouve sa présence chez un homme à M. Joly, c’est la puissance de coordination : le génie nous apparaît avant tout comme une force organisatrice ; à vrai dire, nous ne Île connaissons que par ses effets.

L. M.

H. Marion. La solidarité morale : 2e édition, entièrement remaniée, in-8o. Paris, Germer Baillière et Cie.

Nous avons annoncé que notre collaborateur, M. Henri Marion, préparait une seconde édition de la Solidarité morale ; cette édition nouvelle vient de paraître. L’ouvrage a été entièrement remanié. Le fond du livre reste le même ; mais l’auteur s’est appliqué à faire son profit des critiques qu’on lui a adressées, admettant les unes, discutant ou écartant les autres, tenant compte de toutes, nous dit-il, même de celles qu’il n’a pas expressément relevées. L’introduction, dans laquelle il élucide les notions de Solidarité et de Moralité, pour arriver à déterminer son sujet de la Solidarité morale et à arrêter le plan de son étude, a été retouchée avec un soin particulier, afin de marquer plus nettement en quoi la solidarité diffère de l’absolu déterminisme et comment elle laisse subsister la responsabilité morale.

Dans le corps de l’ouvrage, outre les corrections de détail qui n’ont pour objet que de fortifier et de compléter l’expression, outre les citations nouvelles, qui sont nombreuses et dont quelques-unes empruntées notamment à George Eliot, sont fort belles, nous remarquons deux ou trois notables additions. Des pages importantes ont été consacrées au rôle particulier du langage comme lien de solidarité sociale Ile partie, chapitre II, p. 207 et suivantes). L’auteur examine tour à tour l’influence morale des mots, « qui, presque autant que les idées, mènent le monde, » des phrases toutes faites (clichés, proverbes, maximes courantes), enfin des lieux communs mis en circulation par la littérature et par la presse. Le sujet n’est pas épuisé : il comporterait à lui seul un long chapitre ; mais les indications sont précises et suscitent la réflexion.