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Une autre lacune a été comblée au chapitre de la Solidarité historique. Dans un remarquable article, publié dans cette Revue même (Du déterminisme historique et géographique, juillet 1880), M. Lavisse, abondant dans le sens de M. Marion en quelque sorte plus que lui-même, lui avait reproché d’être demeuré trop abstrait et de n’avoir pas, faute d’exemples, tiré de l’histoire tout le parti possible pour l’illustration de sa thèse. Tout en faisant remarquer qu’il écrivait en philosophe et en moraliste, non en historien, qu’il n’avait pas dès lors à s’aventurer dans des développements historiques, qui demandent une compétence spéciale, qu’il suffisait que ses analyses psychologiques eussent l’approbation entière des historiens de profession, l’auteur de la Solidarité morale a voulu néanmoins donner satisfaction à son savant critique, et il a cru ne pouvoir mieux faire que d’emprunter à M. Lavisse lui-même les exemples frappants qu’il lui suggérait.

Signalons encore une omission confessée et réparée par M. Marion. Dans sa première édition, il déclarait que son travail lui avait été inspiré par la lecture de M. Renouvier, qui le premier, à sa connaissance, avait employé dans un sens philosophique le mot solidarité et signalé l’importance des phénomènes moraux que ce mot désigne. « J’ignorais alors, dit-il dans la présente édition, que, dès 1849, M. Ch. Secrétan avait écrit sur le même sujet des pages remarquables, où le mot solidarité est pris, à peu de chose près, dans le même sens (Philos. de la Liberté, II, p. 460-471). Je dois des remerciements à ce philosophe, non seulement pour le profit que j’ai eu depuis à me pénétrer de ses fortes pensées, mais pour l’accueil qu’il a fait publiquement à cette étude, sans me tenir rigueur pour l’omission dont je m’accuse. J’ai d’autant plus à cœur de la réparer. » Allusion à une note de la belle étude de M. Secrétan sur les Principes de la morale (3e article, Revue philosophique, tome XIII, p. 406), note où l’ouvrage de M. Marion est loué, en effet, de la façon la plus complète et la plus flatteuse. Tel qu’il s’offre maintenant, ce livre nous paraît assuré de garder sa place à part et un rang honorable parmi les productions philosophiques de notre temps.

X.

J.-M. Guardia : L’État enseignant et l’école libre, suivi d’une conversation entre un médecin et un philosophe. In-16, p. 275-xi, Pedone-Lauriel, 1883.

L’auteur consacre la première partie de son livre à la critique des programmes d’enseignement, et la seconde partie à l’examen du meilleur emploi de l’année de philosophie. Très vif dans ses attaques, mais compétent à tous égards, il signale des réformes à faire dans le programme et dans le personnel. Il ne veut plus de cette « pseudo-science » de l’homme, « qui trompe l’esprit et pervertit la conscience », Il demande pour notre jeunesse la vraie science de l’homme, « de l’homme tel qu’il est, tout entier, animal qui pense et raisonne. » Il s’étonne à