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ANALYSES.hartmann. Die Religion des Geistes.

l’encontre des fins poursuivies par la volonté absolue ; en d’autres termes, comment la volonté individuelle peut être mauvaise si elle ne possède pas de liberté vis-à-vis de Dieu. La réponse est que « si le mal doit être possible, sans aller absolument à l’encontre de la volonté divine, il faut qu’il ne s’oppose qu’à un certain point de vue au contenu de la volonté divine, c’est-à-dire à l’ordre moral du monde, tandis qu’à un autre point de vue il doit lui être conforme. En d’autres termes, Dieu, d’une part, doit non seulement tolérer, mais vouloir positivement ce qui doit être désigné comme mauvais, puisque les choses qu’il veut ont seules l’existence : d’autre part, il ne peut pas vouloir le mal comme quelque chose qui doit être et rester, mais comme une chose qui doit être vaincue, qui ne possède l’existence qu’afin d’être vaincue. »

Nous nous bornons à indiquer sur ce point l’amorce de la pensée de M. de Hartmann, en en laissant de côté le détail et l’exposition, Signalons toutefois dans le chapitre qui traite de « l’homme en tant qu’il est capable de salut », une vive polémique contre la foi à l’immortalité, que l’auteur qualifie de superflue et de dangereuse. — Dans la « cosmologie religieuse », M. de Hartmann étudie successivement le monde dans sa dépendance absolue à l’égard de Dieu et dans ses besoins et sa capacité de salut.

III. Ethique religieuse. — L’auteur traite d’abord de « la marche subjective du salut » (subjecktive Heilsprocess). Voici les divisions : réveil de la grâce, déploiement de la grâce, fruits de la grâce. Il étudie ensuite la « marche objective du salut » (objektive Heilsprocess).

Notre sèche analyse et les citations que nous y avons jointes ne donnent qu’une idée très insuffisante de l’important ouvrage soumis à notre appréciation. Les questions de philosophie religieuse, qui n’ont rien perdu de leur intérêt et de leur actualité pour nos voisins d’outre-Rhin, n’ont jamais été en grande faveur chez nous. Le petit nombre de nos concitoyens qui ne croient pas devoir refuser leur attention à de telles recherches, se trouvent, quand on les met en présence d’ouvrages comme La religion de l’esprit, dans un d’autant plus grand embarras. Il y a là, en effet, toute une série d’habitudes, toute une terminologie, dont la connaissance préalable est l’introduction nécessaire à une complète intelligence. La sorte de « dogmatique laïque » qu’a rédigée l’éminent auteur de la Philosophie de l’Inconscient, présoppose une égale connaissance des questions de théologie et de philosophie. Quand même le critique se croirait en mesure de surmonter pour lui-même ces difficultés, il n’en éprouverait pas moins combien il est peu aisé d’introduire auprès du public philosophique de langue française une œuvre aussi spéciale et aussi complexe,

Par la même raison, nous ne saurions entreprendre ici une critique approfondie de La religion de l’esprit. Nous l’avons tenté précédemment pour La conscience religieuse de l’humanité, en appelant de préférence à des considérations historiques. Nous nous bornerons pour le présent ouvrage à consigner quelques impressions.