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Il faut faire sans doute la part d’un caractère naturellement mélancolique, même un peu pessimiste ; toutefois, pour juger Butler, on ne doit pas perdre de vue qu’il n’était pas seulement philosophe, mais prêtre.

A. Penjon.

Veitch (John) (L. L. D.) : Hamilton. — William Blackwood and Sons, Edinburgh and London, 1882.

C’est surtout par Stuart Mill que nous connaissons en France la philosophie d’Hamilton. Depuis que M. Cazelles a traduit l’Examination, personne, je crois, n’a songé à reprendre l’œuvre de M. Peisse, qui m’avait traduit que des fragments. La mode, qui règne même en philosophie, est sans doute pour quelque chose dans cet abandon ; mais le beau livre de Stuart Mill a contribué plus que toute autre cause à faire reléguer au second plan les œuvres du philosophe écossais. Ce n’est pas que celui-ci n’ait trouvé des défenseurs. Dans la préface de sa troisième édition, Stuart Mill en donnait déjà une liste assez longue : il avait même profité de leurs critiques plus encore qu’il n’en convenait. Voici qu’un professeur de Glascow, un disciple fidèle d’Hamilton, vient faire à son tour, mais un peu tard, la critique de l’Examen. Dans un petit volume de la collection Blackwood, M. Veitch expose sous ses principaux traits, en exceptant toutefois la logique, la philosophie de son maître, et ne manque pas une occasion de prétendre que Stuart Mill ne l’a pas comprise.

Si ce n’est pas précisément un livre de polémique, il en a souvent la forme et le ton. On y trouvera sans doute des détails de biographie intéressants et une étude consciencieuse de l’œuvre d’Hamilton en psychologie et en métaphysique ; mais l’auteur rencontre à chaque pas les jugements d’un terrible adversaire ; il s’arrête pour les réfuter ou l’essayer ; c’est là particulièrement que je voudrais le faire connaître.

Hamilton disait lui-même que « si l’achèvement de la philosophie impliquait la fin de toute discussion, si le résultat de la spéculation devait être de la paralyser, le dernier progrès de la connaissance amènerait la barbarie intellectuelle. » Mais il ne pouvait prévoir contre ses propres théories une si violente réaction. Le malheur a voulu, selon M. Veitch, dont je me borne à résumer l’opinion, que cette réaction fût conduite par un homme « d’une grande réputation dans les autres genres d’études, mais mal informé des questions de philosophie proprement dite, et tout à fait ignorant des développements qu’elle avait pris de Kant à Hegel et à Cousin, c’est-à-dire dans la période dont Hamilton s’était spécialement occupé. » Il ne pouvait donc ni comprendre, ni critiquer avec exactitude les travaux qu’il avait eu la fantaisie d’examiner ;