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LYON. — le monisme en angleterre

changé en objet social et qu’insensiblement il enveloppe une référence aux autres esprits. Cette référence sous-consciente à des éjets que l’on suppose est ce qui constitue l’impression d’extériorité dans l’objet, ce par quoi il est dépeint comme non-moi.

Si nous nous en tenions à cette argumentation, nous n’aurions qu’un plus complet développement de la distinction du moi et du non-moi, telle que l’article de l’Academy se bornait à l’indiquer. Le professeur Clifford va faire plus et mieux : ces premières conclusions vont devenir des principes à leur tour.

Quelle est la véritable distinction entre l’âme et le corps ? — Avant de répondre, considérons d’abord que votre corps est un objet dans ma conscience, ce que n’est pas, ce que ne pourra jamais être votre esprit. Etant un objet, votre corps suit les lois de la physique. Toute question le concernant porte nécessairement sur les conditions physiques de la matière. Dire : « Jusqu’à ce point, la science peut expliquer ; ici l’âme s’avance, » c’est commettre non pas une erreur, mais un non-sens. On s’est demandé si l’esprit était une force. Qu’entendons-nous par ce dernier mot ? Une certaine qualité variable de matière se trouve être invariablement connexe avec la position qu’occupe relativement à elle une autre matière : exprimée en termes de cette position, cette qualité s’appelle force. La force est donc une abstraction relative à des faits objectifs ; c’est un mode d’assemblage de mes sentiments ; elle ne peut absolument pas être la même chose qu’un éjet, c’est-à-dire que la conscience d’un autre homme. En dernière analyse, c’est la distinction entre l’éjet et l’objet qui, bien comprise, nous interdit de regarder l’éjet, par conséquent l’esprit d’un autre homme, comme entrant en aucune manière dans le monde des objets ni même comme soutenant à l’égard des autres changements du monde la relation de cause à effet.

Les faits éjectifs, c’est-à-dire les changements dans votre conscience, suivent un cours parallèle à des changements dans votre cerveau, lesquels sont des faits objectifs. Il y a donc entre l’esprit et le corps une correspondance qui se peut comparer à celle de la langue parlée avec la langue écrite. Le cerveau est-il compliqué, la conscience ne l’est pas moins. Constitués comme nous sommes, il nous semble impossible d’avoir un sentiment absolument simple un instant. Mes perceptions objectives sont formées d’un grand nombre de parties toutes accompagnées par une chaine sans fin de souvenirs également complexes. Cette succession de groupes de changements constitutive de la conscience est analogue à un cordon tissu de fils innombrables occasionnellement entrelacés.

Peut-être objectera-t-on que dans cette complexité de sentiments