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de ce chandelier (lequel est objet pour moi) est formée sur sa rétine, et les messages nerveux vont de tous les points de celle-ci pour apporter ce que nous pouvons appeler une image cérébrale quelque part dans le voisinage des chambres optiques à l’intérieur de son cerveau. Cette image cérébrale est un complexe d’actions matérielles en ces organes, par conséquent un groupe de mes sensations possibles, par conséquent un objet pour moi, comme est le chandelier. L’image cérébrale représente imparfaitement le chandelier, auquel il correspond d’une certaine manière point pour point. Or tous deux, image et chandelier, sont matière.

Ce chandelier (phénoménal, objet pour moi) n’est pas la réalité extérieure dont l’existence est représentée dans l’esprit de l’homme, et l’image cérébrale n’est pas la perception qu’a l’homme du chandelier. En effet, le chandelier n’est qu’une perception dans mon esprit ; l’image cérébrale est purement l’idée d’une perception possible dans mon esprit ; tous deux sont donc mes objets sans rien d’éjectif. Mais il y a une perception dans l’esprit de l’homme que nous appellerons l’image mentale et qui correspond à quelque réalité extérieure. La réalité extérieure soutient avec l’image mentale lu même relation que le chandelier phénoménal soutient à l’image cérébrale (tous deux objets). Or le chandelier et l’image cérébrale sont faits du même fonds (Stuff) ; ils sont tous deux matière. Donc la réalité extérieure est faite du même fonds que la perception de l’homme ou son image mentale, c’est-à-dire qu’elle est faite d’esprit-fonds. Et, de même que l’image cérébrale représente imparfaitement le chandelier (phénoménal}, dans de semblables proportions, l’image mentale représente la réalité extérieure à la conscience.

Ainsi, pour découvrir la chose en soi représentée par un objet quelconque à mon esprit, j’ai à résoudre la question en règle de trois :

Comme la configuration physique de mon image cérébrale de l’objet.

Est à la configuration physique de l’objet.

Ainsi ma perception de l’objet (c’est-à-dire l’objet regardé comme un complexe de mes sentiments),

Est à la chose en elle-même.

Nous sommes donc obligés d’identifier la chose en soi avec ce complexe d’esprit-fonds qu’à d’autres égards nous avions dû croire longer l’objet matériel. En d’autres termes, la réalité extérieure qui est représentée dans nos esprits comme matière est en soi esprit-fonds.

Dès lors, c’est d’esprit-fonds que se compose la totalité de l’univers. Une partie en est agencée dans la forme complexe d’esprits humains. Ceux-ci contiennent d’imparfaites représentations et d’eux-