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LYON. — le monisme en angleterre

trui, qu’ils acquièrent cette connaissance du cœur humain à laquelle ils doivent leur infaillibilité. Le professeur Clifford disait vrai : l’esprit de nos semblables est projeté hors du nôtre (thrown out).

Mais, s’il en est ainsi, nous sommes invinciblement conduits à conclure qu’entre nos divers esprits les seules différences constitutives sont dues à la diversité de nos représentations respectives, Bigarrés et multiples par le dehors, vos éjets et mes objets, c’est-à-dire vos sentiments et les miens, manifestent au dedans une même unité.

Supposez en effet que cette variété des circonstances extérieures au milieu desquelles nous sommes vous et moi placés fasse place à une identité poussée aussi loin qu’il est possible de la concevoir ; que le contexte objectif de mes sentiments se confonde avec le contexte des vôtres ; que vous vous représentiez ce que Je me représente, dans les mêmes conditions, sous le même angle ; resserrez davantage encore cette ressemblance hypothétique des milieux : que nos différences de temps et d’espace s’atténuent jusqu’à nous transformer vous et moi, s’il était possible, en deux indiscernables leibnitiens. Nous demandons quelle distinction ou simplement quelle nuance séparerait nos deux esprits ? Ne cherchez point, ce serait inutile. Vous n’en trouveriez aucune parce qu’il n’y en aurait aucune et qu’essentiellement il n’y en a point, il n’y en peut avoir.

Aussi, et ce sera notre conclusion dernière, l’œuvre que la science de la nature a déjà poussée si avant pourrait bien être celle aussi que réalisent, ou délibérément ou à leur insu, les sciences de la pensée. Le physicien démontrera peut-être un jour l’unité de la matière. La psychologie est-elle si loin de prouver l’unité de l’esprit ?

Georges Lyon.