Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/516

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


ANALYSES ET COMPTES RENDUS


E. Ferri. — Socialismo e criminalita. In-8o, 1883. Turin, Bocca.

Ce nouvel ouvrage du jeune et fécond professeur de Sienne est une réponse aux socialistes en général et en particulier à Filippo Turati, dont nous avons parlé au mois de juin dernier, à propos de sa brochure sur il delitto e la questione sociale. C’est presque toujours au point de vue économique, et par un économiste de l’école classique, autrement dit libérale, que nous voyons chez nous le socialisme réfuté, Il l’est ici exceptionnellement au point de vue criminel et par un sociologiste de l’école évolutionniste la plus pure, darwinien et spencérien jusqu’à la moelle. On peut être curieux de savoir laquelle de ces deux argumentations est la plus victorieuse. On en jugera. D’ailleurs, elles ont plus d’une analogie, et, bien que dans l’un de ces combats on entende le cliquetis des idées de concurrence, de libre échange, d’offre et de demande, tandis que dans l’autre résonnent à chaque instant les notions de lutte pour l’existence, d’hérédité physiologique, de sélection naturelle, on s’aperçoit que, si les armes ont changé de forme, elles sont de même acier, plus ou moins bien trempé seulement. Darwin, après tout, a été provoqué par Malthus, et la concurrence vitale, suggérée par la concurrence commerciale. Puis, sous la confiance des libéraux dans la liberté, comme sous la confiance des spencériens dans l’évolution lente et continue, il y a cette conviction commune, où l’on sent un reste de foi en la Providence, que le mieux se fera de soi, inconsciemment, à travers des entreprises individuelles et des secousses révolutionnaires, mais non par elles ; tandis que les socialistes — et c’est là, à mon avis, toute l’âme de vérité récélée sous leur amas d’erreurs — croient implicitement que tout bien, comme tout mal social, a été conçu et voulu par quelqu’un avant d’être produit, et que les plans personnels et systématiques de réorganisation sociale ne sont pas du temps perdu. Enfin, le point de vue de l’économiste n’est pas si loin de celui du criminaliste. Ferri remarque très justement en un endroit que « la lutte pour l’existence peut être combattue soit par des moyens juridiques, et alors on est sur le terrain de la sociologie économique, soit par des moyens anti-juridiques, et alors on passe à la sociologie criminaliste. »