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À côté de cette partie critique et la complétant, il y a dans le Traité de Braid une partie pleine de faits curieux, très instructifs et bien observés. D’une part, Braid a prouvé que l’hypnotisme et tous les phénomènes qui se produisent durant cet état sont dus uniquement à la condition physiologique et psychique du patient, proviennent directement du système nerveux de l’individu hypnotisé. D’autre part, signalant les différences dans le degré d’aptitude à subir le sommeil, décrivant les diverses phases de ce sommeil, « torpeur des sens, rigidité cataleptiforme, exaltation de la sensibilité, énergie musculaire, » indiquant même plusieurs des phénomènes physiologiques concomitants (lenteur et profondeur des respirations, force et fréquence du pouls, congestion de la face), il a certainement vu les principaux points de l’hypnotisme, et très bien vu, puisque, après avoir étudié la succession des phases du sommeil, il pose pour ainsi dire en loi qu’à la suite de la torpeur qui suit la première période, ou période d’excitation, on a le pouvoir « de diriger ou de concentrer l’énergie nerveuse, de l’élever ou de la déprimer à volonté, localement où généralement » (p. 132). Il tire même de ces faits une théorie qui ne manque pas d’intérêt : l’état particulier appelé hypnotisme dépend d’un excès de fatigue de la faculté d’attention, amené par la pensée fortement et exclusivement attachée à un objet unique, à une idée unique, quoique ni cet objet ne cette idée ne soient de nature excitante ; cette fatigue résulte de cette attention exagérée, de la position incommode et forcée des yeux, de la gêne dans la respiration et du repos de tout le corps. Et pendant l’hypnotisme l’activité des fonctions qu’on met en jeu est si intense qu’elle peut bien, en grande partie, priver les autres fonctions de l’énergie nerveuse nécessaire à leur exercice (pp. 49-50). On remarquera le rapport de ces idées avec la théorie de Brown-Séquard sur l’inhibition et la dynamogénie, c’est-à-dire l’arrêt subit ou la suractivité soudaine d’une fonction ou d’une propriété, par transformation de force. Il est certain que la plupart des phénomènes hypnotiques tiennent à la cessation ou à l’excitation d’une activité.

Sans doute Braid présente souvent d’une manière un peu confuse les faits qu’il a découverts. Il n’y a pas dans son travail cette analyse rigoureuse que l’École de la Salpêtrière devait appliquer à toutes ces questions. Mais, par son talent d’observation, il en est, sous quelques rapports, le précurseur.

Au point de vue psychologique, le particulier intérêt de ce livre réside dans une riche et féconde étude des phénomènes de suggestion. Braid a vu par exemple que l’état dans lequel on met les muscles des membres ou de la face chez un hypnotisé peut faire naître chez lui un sentiment, une passion ou l’idée d’exécuter certains actes, exactement comme, chez l’homme à l’état normal, certains sentiments déterminent des attitudes spéciales. Les observations qu’il donne de suggestion relativement aux sens spéciaux et sa description des phénomènes analogues d’imitation (voy. surtout le chapitre additionnel) sont également