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Ebrard, Dorner, Christlieb, des néokantiens comme Ritschl et Hermann, — Puis, dans une seconde partie, fort courte, il cherche à établir la métaphysique réaliste du pluralisme d’Herbart. La critique du monisme est bien menée et intéressante ; la partie théorique est discutable et presque entièrement hypothétique. D’ailleurs, ajoute Schaarschmidt, un disciple d’Herbart ne peut, en restant conséquent, connaître de théologie spéculative ; elle doit nécessairement rester pour lui un idéal hors de toute portée.

Th. Achelis. Discussions psychologiques (à propos de l’Intelligence de Taine). — Les services rendus par la physiologie à la psychologie ne sont plus aujourd’hui chose contestable, bien que les manuels courants, en Allemagne, s’obstinent à exposer la vieille psychologie rationaliste et professent une sainte horreur pour des hommes comme Helmholtz, Weber, Fechner, Wundt, etc.

La physiologie a apporté un peu de lumière dans les questions de psychologie ; elle a permis de suivre le processus de la sensation, de saisir les rapports du mouvement et de la sensation ; mais la solution est toujours difficile à donner ; la solution matérialiste est trop naïvement simple ; il en faut chercher une autre. — La sensation ne reproduit pas dans la conscience un objet existant au dehors ; elle crée l’objet de toutes pièces, en réponse à une sollicitation du dehors ; par suite, l’en-soi des choses extérieures nous est fermé et doit être laissé « aux théologiens et autres rêveurs ». Une infinité d’atomes en mouvement incessant, une sollicitation de nos organes, à laquelle notre conscience répond en créant une image, un abime infranchissable entre l’âme et le mécanisme extérieur, nous ne savons rien de plus. La science vraie ne peut que constater les rapports entre tel mouvement et telle sensation ; une seule de ces observations vaut mieux que tout un système de soi-disant vérités transcendantales ; — l’essence des choses nous est fermée ; nous ne connaissons que nos sensations ; le reste est pour nous terra incognita. — Et qu’on ne veuille pas, avec les Allemands entêtés de métaphysique, restaurer un idéalisme subjectif ; quoi que l’on dise, il faut une chose extérieure, qui précède et éveille la pensée, un résidu qui défie toute analyse. L’existence des choses est un fait ; nous ne connaissons que les phénomènes ; les choses en soi demeurent inconnues.

Et, d’autre part, que devient le moi ? S’évanouit-il comme ces forces, abstractions réalisées dans les choses ? Le moi n’est pas seulement (comme le veut Taine) une notion d’ensemble sous laquelle est unifiée la masse des phénomènes subjectifs ; il faut un agent réel, qui ressent l’impression qui perçoit… ; il faut un lien à cette masse de phénomènes qui se pressent et se succèdent ; l’idée de la table rase est toute scolastique et ne tient pas. Que l’on accumule les faits d’hallucinations, de monomanies, de démences… ; ce sont là des cas particuliers où la force de concentration du moi, toujours réelle et présente à l’état normal, est momentanément abolie et altérée.