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MARION. — james mill

de la littérature des anciens âges. « Ces livres, s’écrie Mill, forment un code de lois extraordinaire, communiqué à l’homme par une divinité bienveillante… Je n’oserais pas dénoncer comme un infidèle un homme qui ne donne pas des signes certains de son incrédulité ; mais je ne puis laisser passer, au sujet de la Bible, des expressions qui ne paraissent pas suffisamment respectueuses. » Nous avons là une profession de foi qui nous en apprend plus sur son état d’esprit à cette époque que ne pourraient faire les articles que M. Bain lui attribue, quand même les hypothèses à cet égard seraient des certitudes.

Dans plusieurs de ces articles, une même pensée revient, qui n’est plus très neuve aujourd’hui, mais qui était digne du futur auteur de l’essai sur l’Éducation. Rendant compte de divers ouvrages biographiques, notamment de la Vie de Reid par Stewart, l’auteur de ces articles se plaint que les biographes ne sentent pas assez, en général l’importance des premières années de la vie. « Quand un homme s’est élevé à une grande supériorité intellectuelle ou morale, il est peu de choses aussi instructives que de révéler à l’humanité comment a été formé l’esprit de cet homme… Il faut nous apprendre à quelle discipline il a été soumis tant par sa propre volonté que par l’action de ses maîtres… Ses études préférées, les livres dont il a surtout usé, les heures qu’il avait coutume de consacrer au travail et celles qu’il donnait au repos, nous voudrions tout savoir. Même la nature de ses jeux favoris est une circonstance qui souvent n’est point indifférente. On devrait toujours accorder une attention particulière au milieu dans lequel un homme éminent a passé les jours de son enfance et de sa jeunesse, au caractère de ses parents et de ses instituteurs, à la manière dont ils se sont comportés envers lui… Si l’éducation a l’importance que nous croyons, quelle n’est pas l’erreur des biographes qui regardent comme indigne d’attirer leurs regards les occupations et les traits de caractère de leur personnage sur les bancs de l’école ! Et combien n’importe-t-il pas à la science de l’éducation, à la connaissance des moyens propres à communiquer l’excellence intellectuelle et morale, de savoir dans le plus extrême détail quels moyens ont été effectivement mis en œuvre pour produire les grands talents et des grands caractères qui ont apparu dans la réalité ! » C’est la raison précisément pourquoi M. Bain insiste tant sur les débuts de son héros ; mais il se plaint avec raison du manque d’informations certaines. Peut-être va-t-il un peu loin lorsqu’il accuse James Mill de s’être appliqué sciemment à cacher ce qu’un biographe consciencieux aurait le « droit » de savoir.

Il n’a pas tenu à ce patient biographe de découvrir des indices