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plus nombreux sur la vie intime du philosophe durant ces premières années de Londres. Ce qu’il a trouvé se réduit presque à ce passage d’une lettre de 1804 (la seule qu’on ait pout cette année-là), qui nous donne l’emploi d’une de ses journées : « Déjeuner, puis à mon bureau comme d’ordinaire, vers huit heures ; diné en route en revenant à la maison ; lu et écrit très activement jusque vers sept heures ; pris le thé avec mon voisin d’appartement (il logeait avec un compatriote) ; marché deux heures ; étudié jusque entre onze heures et minuit, » Ce soir-là, sa lecture était l’Économique de Xénophon.

L’année précédente, il avait eu sa part de l’agitation causée à Londres par la guerre avec la France. « Il Ya six mois, écrit-il le 2 janvier 1804, que je me suis enrôlé comme volontaire, et je suis maintenant un soldat complet. À vrai dire ; je sais ce qu’il m’en coûte, pas moins, j’en suis sûr, de vingt et une ou vingt-deux guinées ; encore ai-je été un des plus réservés de mon corps sur le chapitre de la dépense. Nous parlons toujours de l’arrivée de Bonaparte. S’il viendra ou non, Dieu le sait ; mais nous sommes bien disposés à le recevoir. Nous sommes à Londres 30,000 volontaires et qui faisions très bonne figure quand le roi nous a passés en revue dans Hyde Park. Notre régiment est entièrement composé d’Ecossais, et le roi l’a particulièrement remarqué. En passant à cheval le long des lignes, il s’est arrêté devant nous et a parlé plusieurs minutes à notre colonel. J’étais très près, et j’ai entendu qu’il disait : « Un très joli corps, très « joli, en vérité ; tous Ecossais, dites-vous, tous Écossais ? »

III

Il se maria le 5 juin 1805, à l’âge de trente et un ans sa femme, Harriet Burrow, en avait vingt-deux ; il la connaissait presque depuis son arrivée à Londres. C’était la fille aînée d’une veuve originaire du Yorkshire, femme d’un grand mérite et d’une grande beauté, qui tenait un établissement de fous. Mme Burrow avait deux fils et trois filles, mais sa maison était prospère. Selon la volonté de son défunt mari, elle donna en mariage à Harriet 400 livres (10,000 francs), et fut toujours prête à lui venir en aide. Mill gagnait alors au moins 500 livres (12,500 francs) et espérait bientôt gagner davantage ; le jeune ménage s’établit donc dans de bonnes conditions d’aisance, 13, Rodney Terrace, Pentonville, dans une petite maison achetée pour eux par Mme Burrow et dont on lui payait le loyer, à raison de 50 livres par an.

James Mill aimait passionnément sa jeune femme, qui était, dit