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MARION. — james mill

M. Bain, « extrêmement jolie, d’une figure délicate et fine, d’un type aquilin qui se retrouva chez son fils aîné, d’une complexion à la fois brune et rose. » Malheureusement, il perdit presque aussitôt la direction du Journal littéraire, qui cessa de paraître, et il quitta on ne sait pourquoi celle de la Chronique, ce qui le réduisit au produit de ses articles ; la jeune femme eut l’amère déception de se trouver dans une gêne à laquelle rien ne l’avait préparée. De plus, la famille s’accrut très rapidement et dans une mesure imprévue[1]. Il faut bien dire enfin que la force de l’intelligence l’emportait de beaucoup chez Mill sur l’agrément du caractère. Il avait le cœur plus droit que tendre ; aimable, dit-on, et même gai dans la société, où il brillait par des qualités de causeur et de dialecticien, il ne gardait pour son intérieur presque rien de la verve qu’il prodiguait au dehors. Il s’en fallait même qu’il y apportât toujours une humeur douce et égale. Bref, comme il arrive si souvent, le bonheur intime, quotidien, manqua presque entièrement à une union d’ailleurs honnête et profondément respectable. Il est humiliant de penser combien est petit le nombre des philosophes à qui leur science des hommes et des choses sert à être heureux et à rendre heureux ceux qui les entourent.

À la fin de 1806, il commença sa grande Histoire de l’Inde ; il comptait qu’elle lui demanderait quatre années de travail, elle lui en demanda près de douze. Parallèlement à cet ouvrage de longue haleine, il produisit dans les recueils les plus divers, dans la British Review, la Monthly Review, l’Eclectic Review, surtout dans l’Edinburgh Review. d’innombrables articles sur la politique, l’économie politique, la jurisprudence, l’éducation. Un pamphlet contre le commerce provoqua de sa part, en 1807, une réponse qui forme un véritable volume : Commerce defended : An Answer to the arguments by which Mr. Spence, M. Cobbet, and others have attempted to prove that commerce is not a Source of National Wealth[2].

Une lettre à Barclay, datée du 7 février de cette même année, trahit une rare mélancolie… « N’auriez-vous pas encore dans votre voisi-

  1. Ils eurent neuf enfants, quatre garçons et cinq filles : 1o John Stuart, né le 20 mai 1806 : 2o Withelmine ; 3o Clara ; 4o Harriet ; 5o James Bentham, qui partit pour Les Indes un an avant la mort de son père : c’est le seul qui quitta le maisons 6o Jane ; 7o Henry ; 8o Mary ; 9o George Grote. Quatre des filles se marièrent et trois eurent des enfants, mais aucun des garçons n’en eut, et le Nom s’éteignit avec eux. Henry mourut jeune, en 1840 ; George Grote, filleul de l’historien Grote, en 1853 ; James Bentham, filleul de Jérémie Bentham, en 1862 : John Stuart, en 1874. Ces trois derniers entrèrent à la suite de leur père au service de la Compagnie des Indes.
  2. Défense du commerce : Réponse aux arguments par lesquels MM. Spence, Cobbet et autres ont essayé de prouver que le commerce n’est pas une source de richesse nationale.