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politique qui avait la passion des choses pratiques, sans être lui-même dans l’action.

Des raisons analogues l’attachaient à Francis Place ; on peut dire que toutes ses amitiés, même quand elles prirent dans la suite un caractère plus personnel, eurent pour première cause l’intérêt général, pour occasion de naître quelque agitation à organiser, quelque réforme à obtenir. M. Bain voit dans ce simple tailleur de Charing Cross « un admirable homme d’affaires, utile autant que modeste, dont l’esprit méthodique et précis joua un des premiers rôles dans organisation du parti libéral avancé, par suite dans l’enfantement des libertés anglaises. » Place a laissé un journal accompagné d’innombrables pièces importantes ou curieuses, extraites des publications du temps ; le tout, conservé au British Museum, forme un précieux recueil de documents pour l’histoire du commencement de ce siècle. On y trouve quelques lettres de Mill, avec qui il se lia vers 1812, au sujet des Écoles lancastériennes. L’éducation populaire d’abord, puis la fondation de l’université de Londres furent, avec les élections politiques, les objets principaux de leur commune passion pour la chose publique..

Dans le général Miranda, ce qu’aimait et admirait Mill, c’était encore le novateur-hardi et remuant, disciple comme lui de Bentham, qui, après avoir soulevé plusieurs fois le Venezuela, devait achever dans les cachots de Madrid, en 1816, une vie toute sacrifiée à l’indépendance des colonies espagnoles.

C’est dans ces premières années du xixe siècle que s’est établi en Angleterre l’usage des agitations populaires, qui depuis ont joué un si grand rôle dans l’histoire de ce pays. Alors commencèrent à se former des associations privées, destinées à agir sur l’opinion et, par elle, sur les affaires publiques. Grouper ensemble les hommes dévoués à une même cause, mettre au service de cette cause à la fois leur parole et leur plume, organiser des réunions légales et des manifestations pacifiques, créer des journaux, des revues, provoquer des souscriptions, user, en un mot, de tous les moyens de propagande pour convaincre et passionner le public sur une question d’intérêt général, et en faveur de la solution qu’on juge bonne, — tel est l’objet de ces sociétés, sans caractère officiel, mais plus puissant — est parfois que le gouvernement même et assez fortes pour vaincre ses résistances, comme on l’a vu au temps de l’Anti-Corn law league. Peu d’hommes ont plus contribué que James Mill à faire prendre à l’esprit de libre discussion cette tournure sérieuse et pratique. S’il avait à un haut degré le goût de la polémique, ce que Gall appelle le penchant de la combativité, son intelligence toute