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ligent. Dans les phénomènes résultant de l’activité mentale, nous trouvons, surajoutée aux relations complexes établies entre l’organisme et l’univers purement physique, une relation infiniment plus complexe. Comme être social, l’homme est mis en contact avec des diversités sans fin de conditions existant autour lui, résultant de l’existence de l’esprit de ses semblables, et ainsi est nécessitée une adaptation de son organisme aux manifestations multiples de l’esprit des autres. L’esprit réagit ainsi sur l’esprit et est un facteur capital dans son propre développement. En outre, la nature morale de l’homme affirme sa suprématie, et son évolution ajoute à la complexité existante en indiquant sa position et ses rapports, non seulement comme unité sociale, mais comme unité constituante de l’univers, avec un esprit créateur répandu partout.

Comme aliénistes donc, nous avons à faire aux phénomènes mentaux résultant des régions qui ont atteint le plus haut développement dans la genèse du système nerveux, — régions qui par elles-mêmes sont d’une extrême différenciation et d’une intégration complexe et qui ont comme produits de leur activité les processus mentaux les plus compliqués et les plus enchevêtrés. L’aliéniste doit fixer immédiatement son attention sur les changements subis par le substratum matériel de l’esprit, dont l’activité seule rend possible les états et modifications de la conscience. L’accompagnement subjectif de cette activité, qui n’est connue directement que par l’individu, ne peut être connue, comme cette activité elle-même, que par une étude rigoureuse et précise des modifications objectives. Nous ne pouvons pénétrer dans les états de conscience du malade, pas plus que nous ne pouvons observer l’activité du substratum matériel dont ils sont l’accompagnement subjectif, mais nous pouvons observer et étudier l’expression de ce changement matériel dans le langage, les gestes, la conduite, en un mot dans l’ajustement de l’organisme à son milieu. Nous pouvons apprendre à rattacher ces manifestations objectives aux états subjectifs qui leur sont associés. Enfin nous pouvons apprécier la position et l’étendue de ces changements matériels qui produisent d’une part les modifications de la conscience, et d’autre, part donnent naissance à leur expression externe. Nous avons ainsi à résoudre un problème à la fois clinique, pathologique et psychologique.

Dans le présent état de nos études sur les localisations, relativement à l’aliénation mentale, il serait extrêmement téméraire de se confier à une opinion quelconque comme à un dogme. L’observation répétée, l’accumulation des matériaux par un travail et une recherche sans relâche peuvent seuls conduire à quelque progrès réel dans