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faut faire constammment appel à un principe universel, — j’entends le principe de dissolution.

Ceux qui étudient la folie du point de vue évolutionniste doivent — je le prends pour accordé — s’incliner devant cette affirmation de Hughlings Jackson : que la folie consiste essentiellement en une dissolution ou en une réduction à un état inférieur d’activité consciente, — définition qui peut être formulée d’une manière plus explicite sous cette forme : une perte des facultés supérieures qui règlent et contrôlent et dont la mise en jeu implique les formes les plus hautes de l’activité consciente. La complexité et l’intégration croissantes des structures nerveuses impliquent, nous le savons, la superposition de centres régulateurs de groupes subordonnés. Par suite, lorsque ces centres supérieurs d’inhibition perdent leur contrôle, par suite d’une lésion de décharge ou d’une lésion destructive, la série subordonnée entre en débauche et les ajustements les plus délicats au milieu ambiant sont sacrifiés. En étudiant un cas quelconque de folie, nous avons donc à le considérer à trois points de vue :

1o Comme modification nutritive ou lésion du substratum matériel de la conscience.

2o Comme négation des sphères supérieures de la conscience ;

3o Comme exaltation fonctionnelle de l’activité des centres inférieures, libérés de tout contrôle inhibitoire.

Il se traduit subjectivement dans les diverses anomalies mentales des fous, et objectivement dans le langage, les gestes et la conduite.

Considérer la manie comme une excitation de toutes les facultés mentales est une vue essentiellement fallacieuse, à moins qu’elle n’implique aussi une perte actuelle d’ajustements plus délicats, entre autres la paralysie des facultés supérieures. Et cette erreur est au plus haut degré répréhensible, puisqu’elle amène à considérer l’expression subjective de l’exaltation de la conscience et son expression objective (discours incohérents, grimaces, excitation dans la conduite et les actes) comme constituant en eux-mêmes les éléments les plus importants de la folie ; tandis que l’essence de la folie consiste dans la négation de la conscience ou plutôt des sphères les plus hautes de son activité. En acceptant cette vue sur la manie, on demandera naturellement : Pouvez-vous produire quelque preuve de ce fait que certaines zones corticales sont intéressées ? Puisque les changements moléculaires qui se produisent en pareil cas ne laissent rien d’appréciable à l’œil nu pour indiquer la topographie morbide, n’y a-t-il pas d’autres méthodes de recherche qu’on puisse adopter ? S’il est question de zones vasculaires, n’est-il pas possible, par une étude approfondie des changements observés dans le cerveau pour