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SULLY. — le développement mental

influence est exercée évidemmennt d’une façon intentionnelle. À cette partie appartiennent tout le mécanisme de l’instruction, les arts de la persuasion, le contrôle moral et légal, etc.

Ces deux sortes d’influence sociale coopèrent dans chacune des trois grandes phases du développement mental. Ainsi l’intelligence d’un enfant se développe en partie sous l’influence du contact avec l’intelligence sociale qui se réfléchit dans la structure du langage, et en partie à l’aide de l’instruction systématique. De même, la sensibilité se développe en partie par le simple contact avec d’autres intelligences, ou avec les causes productrices de sympathie, et en partie par des excitations directes venant d’autrui. Enfin la volonté se développe en partie par l’attraction de l’exemple et les impulsions de limitation, et en partie par la force de la persuasion, des conseils, des reproches et par tout le système de la discipline sociale.

Puisque tous ces facteurs doivent coopérer jusqu’à un certain point pour produire ce que nous appelons le développement normal d’une intelligence individuelle, "nous ne pouvons pas diviser cet effet complexe en parties et rapporter une partie à un facteur, une autre partie à un autre facteur. Cependant, en observant les variations dans l’effet qui accompagne les variations dans chaque facteur particulier, nous pouvons nous faire une idée approximative touchant la valeur comparative de chacune des conditions coopérantes. Cette question de valeur comparative se présente surtout au sujet du facteur social. Les psychologues en général n’ont guère fait attention à l’influence de l’entourage social sur le développement de l’intelligence individuelle. Cependant il est reconnu aujourd’hui que cet entourage est une condition essentielle d’un développement normal complet. Mais les opinions varient encore beaucoup relativement à l’étendue de cette influence[1].

Cette question présente un intérêt particulier si on la rattache au problème du développement de la race. Dans une communauté qui progresse, la qualité du milieu social se perfectionne à chaque génération nouvelle. Toutes les forces de l’excitation intellectuelle, émotionnelle et volitionnelle augmentent. Par l’accumulation de connaissances plus exactes transmises par les livres et par l’instruction orale, par l’influence de mœurs plus douces, d’un genre de vie plus raffiné, d’une règle morale plus élevée, enfin par le perfectionnement des produits de l’industrie humaine, des arts utiles et libéraux, des lois, etc., chaque nouvelle génération subit une influence sociale

  1. L’importance du milieu social a été exagérée par feu G.-H. Lewes. Voy. Problèmes de la vie et de l’intelligence, 1re série, vol.  I, p. 152 et suiv., et l’Étude de la psychologie, chap.  IV.