Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
616
revue philosophique

bien plus puissante, Et il sera toujours difficile de décider jusqu’à quel point le progrès intellectuel et moral d’une race peut être expliqué par cette élévation traditionnelle du milieu social, et jusqu’à quel point il implique également une élévation héréditaire de la capacité native.

Variétés du développement. — Tandis que toutes les intelligences suivent dans leur développement la même marche normale et typique, il y a des différences à l’infini dans les détails de l’histoire mentale des individus. Il n’y a pas deux cas où le processus du développement mental soit exactement semblable. Ces diversités dans l’histoire mentale correspondent aux différences entre une intelligence et une autre dont nous avons parlé dans le chapitre précédent. Ces différences dans le développement peuvent être rapportées à une ou deux causes ou à un ou deux facteurs : 1o variations ou inégalités de la capacité originelle, 2o différences dans les circonstances extérieures, physiques et sociales. Toutes les différences dans le résultat final, qui est l’aptitude développée ou arrivée à sa maturité, doivent être attribuées à l’un de ces deux facteurs ou aux deux à la fois.

Il importe d’observer que les différences dans la capacité originelle impliquent toutes les inégalités dans la susceptibilité de développement ou de progrès. Les individus varient beaucoup sous le rapport d’une quantité donnée d’excitation ou d’exercice d’une faculté. La pratique augmente la capacité bien plus uniformément et rapidement dans certains cas que dans d’autres. Comme chaque professeur le sait, il y a une immense différence dans les progrès accomplis par deux enfants arrivés à peu près au même niveau de connaissances et que l’on soumet à la même méthode d’éducation. Ces inégalités dans la capacité du développement mental (qui se rattachent en partie à différents degrés du pouvoir de retenir) constituent quelques-unes des plus frappantes parmi les différences d’aptitudes originelles ou inhérentes, existant chez les individus.

Différences de la capacité originelle. — Celles-ci doivent être appréciées de la même manière que les différences de la capacité arrivée à sa maturité. La difficulté consiste ici dans la détermination de ce qui est rigoureusement originel et n’est à aucun degré le résultat d’une éducation antérieure ou d’un autre genre d’influence extérieure. Cependant, quoique nous ne puissions pas éliminer tout à fait l’effet des influences premières, nous pouvons le réduire à un minimum en prenant l’enfant d’assez bonne heure ou en choisissant pour notre expérience un mode suffisamment nouveau d’opération mentale.