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l’étude détaillée de ces fonctions vitales et de leur apport psychique : je n’ai pas à la faire ici, et il suffira de la résumer en quelques lignes.

Nous avons d’abord les sensations organiques liées à la respiration, le sentiment de bien-être produit par un air pur, la suffocation dans l’air confiné ; celles qui viennent du canal alimentaire ; d’autres, plus générales encore, liées à l’état de la nutrition. La faim, par exemple, et la soif, malgré les apparences, n’ont pas de localisation précise ; elles résultent d’un malaise de l’organisme entier ; c’est un appel fait par le sang devenu trop pauvre. En ce qui concerne la soif notamment, les expériences de CI. Bernard ont montré qu’elle vient d’un manque d’eau dans l’organisme, non de la sécheresse du pharynx. Entre toutes les fonctions, la circulation générale et locale est peut-être celle dont l’influence psychologique est la plus grande et dont les variations importent le plus d’un individu à un autre, et suivant les divers moments, dans le même individu. Rappelons encore les sensations organiques qui viennent de l’état des muscles, le sentiment de fatigue et d’épuisement ou son contraire, enfin le groupe des sensations musculaires qui associées aux sensations externes de la vue et du toucher jouent un si grand rôle dans la formation de nos connaissances. Même réduite à elle seule, sous sa forme purement subjective, la sensibilité musculaire nous révèle le degré de contraction ou de relâchement des muscles, la position de nos membres, etc. J’omets à dessein les sensations organiques de appareil génital ; nous y reviendrons en étudiant les bases affectives de la personnalité.

Si le lecteur veut bien se représenter un instant la multitude et la diversité des actions vitales que nous venons de classer en courant sous leurs titres les plus généraux, il se fera quelque idée de ce qu’il faut entendre par ce terme : les bases physiques de la personnalité. Toujours agissante, elles font beaucoup de besogne et peu de bruit : elles compensent par leur continuité leur faiblesse comme éléments psychiques. Aussi, dès que les formes supérieures de la vie mentale disparaissent, elles passent au premier rang. On en trouve un exemple très net dans les rêves, agréables ou pénibles, suscités par les sensations organiques (cauchemar, songes érotiques, etc.). On assigne même avec assez de précision, à chaque organe, la part qui lui revient : la sensation de poids semble liée surtout aux affection digestives et respiratoires ; le sentiment de lutte et de combat, aux affections du cœur. Dans des cas plus rares, des sensations pathologiques inaperçues pendant la veille retentissent pendant le sommeil comme un symptôme prémonitoire. Arnaud de Villeneuve rêve qu’il est mordu