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physique, se montrera par cent preuves ; mais en même temps, de même qu’il est un point du double corps placé sur la limite des individus composants et commun à tous les deux, d’autres phénomènes, en plus petit nombre, montrent en eux un commencement d’unité.

« Les impressions faites sur la région d’union, à son centre principalement, sont perçues à la fois par les deux cerveaux, et tous deux pourront de même réagir sur elles… Ajoutons que, si la paix est quelquefois troublée entre les deux jumeaux, presque toujours règne entre eux un accord de sentiments et de désirs, une sympathie et un attachement réciproques dont il faut lire tous les témoignages pour en comprendre la portée…

« De semblables phénomènes et d’autres encore existent lorsque, l’union devenant plus intime, il n’existe plus pour deux têtes qu’un seul corps et que deux membres pelviens. L’analyse anatomique démontre que, dans de tels êtres, chaque individu possède en propre un côté de l’unique corps et l’une des deux jambes. L’observation des phénomènes physiologiques et psychologiques confirme pleinement ce singulier résultat. Les impressions faites sur toute l’étendue de l’axe d’union seront perçues à la fois par les deux têtes, hors et à quelque distance de l’axe par une seule, et il en sera de la volonté comme des sensations. Le cerveau droit sentira seulement par la jambe droite et agira seul sur elle, le gauche sur la gauche, en sorte que la marche résultera de mouvements exécutés par deux membres appartenant à deux individus différents et coordonnés par deux volontés distinctes.

« Enfin, dans les monstres parasitaires, en même temps que l’organisation devient presque unitaire, tous les actes vitaux, toutes les sensations, toutes les manifestations de la volonté s’accomplissent presque exactement comme chez les êtres normaux. Le plus petit des deux individus, devenu une portion accessoire et inerte du plus grand, n’a plus sur lu : qu’une influence très faible et bornée à un très petit nombre de fonctions[1]. »

À ces traits généraux nous ajouterons quelques détails empruntés aux cas les plus célèbres.

On possède de nombreux documents sur Hélène et Judith, monstre bi-femelle né à Szony (Hongrie) en 1701, mort à Presbourg à l’âge de vingt-deux ans. Elles étaient placées à peu près dos à dos, réunies dans la région fessière et une partie des lombes. Les organes sexuels étaient doubles extérieurement, mais avec une seule vulve cachée

  1. I. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire des anomalies, t.  III, p. 818. Le monstre dit « épicome de Home » avait une tête parasite qui ne présentait qu’une ébauche très imparfaite de la vie normale,