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ANALYSES.lmalcolm guthrie. On Mr Spencer’s, etc.

Espoir chimérique. Ne sait-on pas que tout se lient ou doit se tenir dans l’œuvre du métaphysicien anglais ? Sa dialectique ascendante nous mènera vraisemblablement au point de départ même de sa dialectique descendante, Ou le système de M. Spencer est incohérent, ou, arrivés au terme de nos excursions psychologiques ou biologiques, nous retrouverons la Persistance de la Force.

C’est en effet là où nous sommes conduits à la fin de la partie III des Principes de psychologie[1]. « Le résultat général, écrit M. Spencer, c’est que l’agrégat vif, quand il manifeste une résistance passive, tout aussi bien que quand il manifeste une énergie active, est inévitablement associé dans la conscience à l’idée d’une puissance séparée de lui, mais analogue à lui d’une certaine manière, puissance que développe constamment en lui-même l’agrégat faible… » On lit à la page 594 : « Une fois de plus, nous sommes ramenés à cette conclusion, maintes fois atteinte par d’autres voies : que derrière toutes les manifestations extérieures et intérieures il y a une puissance qui se manifeste. »

Ces deux assertions rapprochées l’une de l’autre permettraient de démontrer psychologiquement l’existence de l’Inconnaissable (on sait que l’existence de l’Inconnaissable, ou la persistance de la Force, c’est tout un : la première formule appelle la seconde) ; elles semblent postuler en outre une sorte d’analogie phénoménale entre l’objet et le sujet, Voici qui est grave ; que va devenir la théorie du « double aspect » ? pourra-t-on maintenir ce qui a été dit dans les Premiers principes sur les deux formes générales et irréductibles-à travers lesquelles l’Inconnaissable se dérobe et se manifeste tout à la fois ?

M. Guthrie a raison d’insister sur les équivoques auxquelles s’est complu son éminent adversaire. Comment maintenir le « double aspect » de l’Inconnaissable quand on a reconnu que l’objet est en un certain sens, analogue au sujet ? Ici, l’auteur des Principes de psychologie parle une langue que comprendrait un disciple de Maine de Birans son attitude est celle d’un métaphysicien dynamiste. Il y a plus l’objet est partiellement analogue au sujet, ne se pourrait-il pas qu’ils fussent essentiellement identiques ? ils participeraient l’un et l’autre de l’essence de l’Inconnaissable. Or, si l’analogie de nature, qui rapproche le sujet de l’objet, reçoit sa preuve de l’expérience psychologique, l’Inconnaissable cesse aussitôt de mériter ce nom, et la métaphysique de M. Spencer nous apparaît comme une construction d’argile. Ces conséquences, M. Guthrie, s’il ne les indique pas en propres termes, nous conduit du moins à les entrevoir.

À vrai dire, l’analogie dont il est question entre les manifestations objectives et les manifestations subjectives de la « Puissance inconnue » n’existe qu’à une condition et qui n’a pas échappé à la pénétration de notre écrivain. Sans doute si la pierre résiste à la main qui la presse il n’est pas inexact de dire que la main, elle aussi résiste à la pierre. Toute force implique une résistance ; toute résistance, disons mieux,

  1. P. 497 de la trad. française.