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ANALYSES.lmalcolm guthrie. On Mr Spencer’s, etc.

n’aime pas qu’on « sollicite » les mots ; leur sens doit être fixé une fois pour toutes. Prendre un mot dans une acception légèrement différente du sens qui lui est généralement attribué, c’est, qu’on le veuille ou non, introduire, pour les besoins de la cause, un facteur additionnel. M. Spencer se montre vraiment ingénieux à faire rendre aux mots plus qu’ils ne contiennent. À première vue, tous les facteurs dont il nous a parlé dans les Premiers principes interviennent dans la Biologie, pas un de plus : regardez-y de près, tous ces facteurs sont d’origine nouvelle, malgré le nom ancien qui leur sert de passe-port. Suit une longue et intéressante étude sur les équivoques du mot équilibration. Tout autre est l’équilibre à l’aide duquel une force tient en échec une autre force mécaniquement égale, tout autre est l’équilibre qui se manifeste dans l’ordre organique et par lequel l’être vivant résiste de plus en plus à l’action déprimante des forces externes, D’ailleurs, les Principes de biologie pèchent par la base. Qu’est-ce que la vie ? en quoi les facteurs élémentaires du monde inorganique et ceux du monde de la vie diffèrent-ils les uns des autres ? On nous le dit, mais d’une façon sommaire, comme si, à la faveur de l’obscurité des termes, on désirait fuir toute explication définitive.

Entre l’organique et l’inorganique, s’il faut en croire M. Spencer, il n’est qu’une simple différence de degré. Le principe de la persistance de la force nous contraint à expliquer la nature des composés, par les mêmes facteurs que celle des composants. Quels sont-ils ? L’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone. D’où vient que de leur coopération résulte un être vivant ? Allèguera-t-on leur extrême mobilité moléculaire ? Cette mobilité des molécules doit être singulièrement amoindrie, puisque les facteurs chimiques des êtres vivants sont passés de l’état gazeux à l’état solide ? Osera-t-on prétendre que la mobilité moléculaire est la même, en dépit du changement d’état ? Alors il faut abandonner la loi de l’évolution, qui exige qu’à toute intégration de matière corresponde une dissipation de mouvement,

En somme, où est la différence entre l’inorganique et le vivant ? Pour le savoir, il aurait fallu que M. Spencer écrivit un livre sur l’évolution des êtres inanimés. Ce livre manque : et l’auteur n’a suppléé que très imparfaitement à cette lacune dans l’Appendice au premier volume des Principes de biologie. Parfois, il semble que les lois exposées dans les Premiers principes suffisent à rendre raison des phénomènes biologiques, mais c’est à la condition que les phénomènes biologique soient donnés, et qu’on nous a dit comment s’effectue le passage de l’ordre inanimé à l’ordre animé, par le seul concours du principe de la persistance de la force et de ses corollaires. Nous devrions le savoir en dépit des ruses et des habiletés de prestidigitateur dont M. Spencer fait preuve ; nous l’ignorons encore. Et l’on viendrait soutenir que la synthèse universelle est possible, et que l’espérance d’un savoir complètement unifié ne sera pas de longtemps interdite à l’espèce humaine.

III. Cette conclusion est bien faite pour inspirer aux évolution-