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ANALYSES.h. steinthal. Science du langage.

ment sur l’invention, la création première ; on a relégué dans le passé ce procédé qui est celui de l’anecdote ; on veut aujourd’hui atteindre à la notion même de la science, établir les lois générales, naturelles qui régissent le langage dans son apparition et dans tout son développement ; déterminer l’origine du langage, c’est déterminer le degré de formation intellectuelle, le moment de l’esprit qui nécessairement, sans volonté et sans conscience, a engendré le langage dans le cours de l’humanité, et l’engendre chaque jour dans la vie de l’enfant, c’est déterminer les circonstances éternellement les mêmes où cette force de la conscience se produit fatalement et se développe. — Il faut donc, après s’être fait une idée générale de la mécanique de l’esprit, faire sur le langage œuvre d’embryologiste, remonter aux causes qui l’appellent, et qui sont comme les organes de sa génération, surprendre le moment où il naît, l’instant de la fécondation, et le suivre dans sa première évolution, qui en est le développement embryonnaire (pp. 89, 90).

II

On connaît les idées de M. Steinthal en matière de psychologie. On sait qu’il se rattache à l’école d’Herbart par cette mécanique de l’esprit qu’il n’a fait que développer avec plus d’abondance, sous une forme moins encombrée de formules mathématiques, plus riche de faits et de discussions. — Nous sommes donc dispensé d’insister longuement sur cette partie de son œuvre, dont nous ne ferons qu’indiquer rapidement les traits généraux.

Un coup d’œil d’ensemble jeté sur le contenu de la conscience nous révèle un monde intérieur de connaissances, de sentiments et de désirs qui nous déterminent à l’action. Quel que soit le principe, matériel ou non, de cette conscience, le premier caractère qu’elle nous présente, c’est qu’en elle seulement nous connaissons la nature, c’est que pour nous la nature dépend de l’âme, et que par suite la psychologie est à la base de la science (part. I, i, § 1-6). — Cherche-t-on à préciser et à classer ce contenu général de la connaissance, on se trouve en présence de degrés successifs d’un développement constant, depuis la forme la plus inférieure de l’impression sensible, à travers la perception et l’intuition, jusqu’à la notion. Le progrès de la connaissance à travers ces sphères diverses et dans chacune d’elles est dirigé par les catégories de l’esprit, qui sont les formes successives de ce travail, de cette élaboration de la pensée, qui ne sont pas d’une essence métaphysique, toutes formées et préétablies dans l’âme, mais qui naissent et grandissent sourdement dans ce progrès de l’esprit, inconscientes chez l’enfant et chez l’homme sans culture, et se manifestant d’abord à la conscience dans le langage (ibid., § 7-33).

Mais une telle description ne saurait être toute la science du psychologue ; ce n’en est que l’introduction. Il faut qu’il fonde une mécanique psychique ; il faut qu’il trouve l’élément dernier, irréductible, l’atome