Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
revue philosophique

de l’esprit, et qu’il le suive dans la complexité croissante de ses arrangements. Cet élément psychique, objet premier de la psychologie, c’est la représentation : il y a dans l’âme un monde de représentations en mobilité constante et qui n’ont de fixe que la loi suivant laquelle elles s’agrègent, le rapport déterminé de leurs mouvements et de leur organisation. Il faut étudier les processus élémentaires de ces atomes spirituel.

Les représentations ont leur loi de l’impénétrabilité ; c’est le principe d’identité chaque élément reste identique à lui-même dans ses rapports avec les autres. — Comme l’atome matériel, une fois qu’un mouvement lui est imprimé, il persiste dans sa direction selon la loi de l’inertie. — Ainsi que l’atome, la représentation a une force d’attraction qui la porte vers les autres, et la fait tendre à se rapprocher du tout dont elle est une partie ; c’est cette force d’attraction qui organise la perception, résultat d’une infinité d’impressions distinctes, unité chimique d’éléments qualitativement différents ; et cette liaison interne de la perception est ensuite projetée au dehors, avec la signification d’une réalité extérieure (part. I, ii, § 34-57). — Puis la complication croit ; des représentations égales se fondent l’une dans l’autre (Verschmelzen) ; , ou plutôt, car la répétition ajoute à la force de la connaissance. (ibid., § 58-67). — Avec cet accroissement de l’intensité primitive des représentations naît la conscience ; car elle n’est pas le caractère essentiel des choses de l’âme, elle n’en est qu’un état particulier ; elle résulte d’un certain degré de vivacité et d’énergie qui élève les représentations au-dessus du seuil de la conscience et les fait passer sous ses yeux, une à une, à la file, emportées dans le cours rapide des phénomènes de l’esprit. — Ainsi la production et la reproduction des représentations qui se font d’abord inconsciemment par le mécanisme de l’association entre des connaissances simultanées ou consécutives deviennent plus rigoureuses, volontaires intentionnelles avec l’élément de conscience qui s’y est introduit (ibid., § 68.91).

Mais la fusion totale des représentations n’est pas le mode habituel de leur liaison entre elles ; en général, deux moments psychiques présentent des éléments communs qui s’attirent, des éléments non communs qui se repoussent. Il en résulte une fusion partielle qui, lorsque la divergence est trop faible, annule les différences au profit des ressemblances. Peu à peu l’esprit conçoit fortement la partie commune comme essentielle et indifférente aux modifications qui surviennent dans le détail. Ainsi naît l’idée primitive du genre, qui n’est pas une intuition pure, un type à priori, mais uniquement un rapport constant dans l’association des représentations. — Enfin la force d’inertie inhérente aux rapports d’association tend à les maintenir dans une direction constante, et ils s’adaptent ainsi aux rapports réels des choses ; il se forme dans l’âme des liaisons d’habitude, des courants que la pensée a peine à remonter (ibid., § 91-120). Cependant, toute grande