Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
revue philosophique

aussi vraisemblablement en produisant au temps marqué d’autres espèces analogues, par des opérations que l’observation n’a point discernées. Contrairement aux idées courantes en évolution, il est, je crois, permis d’affirmer que ces changements obéissent à des lois fondées sur l’organisation des espèces elles-mêmes, et ne résultent pas exclusivement des influences variables du dehors, bien qu’ils se produisent suivant un certain mécanisme où les lois de la physique et de la chimie trouvent sans doute leur application. Je crois donc que les espèces actuellement existantes ont eu pour matrice ou pour berceau d’autres espèces.

II

Mon premier motif pour en juger ainsi, c’est que cette représentation des origines est la seule qui puisse en quelque mesure se préciser et s’achever. Il faut même aller plus loin que le simple transformisme dans le monde organique ; il faut admettre le passage naturel de l’inorganique à l’organique, la génération spontanée. Il faut l’admettre au moins une fois. La preuve éxpérimentale, il est vrai, n’en a jamais été fournie, car la synthèse des substances organiques dans les laboratoires n’est pas même un commencement de preuve, et toutes les autres expériences dirigées dans ce sens ont déplorablement échoué. Il faut donc admettre sans preuve que la vie est simplement l’effet d’une action chimique fort complexe tenant à l’équilibre instable des molécules dont sont composés certains corps colloïdes ou pour mieux dire albumineux, l’effet, si l’on veut, des propriétés de l’azote ou du carbone. Il est vrai, comme le disait bizarrement un matérialiste enthousiaste, qu’une expérience de laboratoire ne saurait prévaloir contre une loi de la nature.

Il est impossible en effet que la matière organique ne soit pas sortie de la minérale une première fois, et, par conséquent, il faut admettre que dans les mêmes circonstances elle en sortirait encore. Ceci, c’est l’axiome qui sert de base à toute la science, le premier point seul demande un mot d’explication. Voici mes raisons pour l’avancer : Les premiers êtres organisés ont fait leur apparition sur cette planète longtemps après sa constitution comme corps indépendant. Il est nécessaire d’accorder ce point en raison de la température originaire de notre globe. Eh bien, alors, si les corps simples dont les premiers corps organisés ont été formés n’ont pas été apportés du dehors par une opération bien superflue, puisqu’ils abondaient déjà sur les lieux, ou si ces organismes eux-mêmes n’ont pas été lancés sur la terre à la façon des bolides, ce qui déplacerait la