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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

observations nous montrent que les sensations fournies par les divers organes des sens ont une commune mesure fournie par le dynamomètre ; toutes les sensations s’accompagnent d’une augmentation de potentiel qui paraît constituer essentiellement la sensation. Cette constatation se trouve d’ailleurs en parfait accord avec le mode de développement embryonnaire des organes des sens qui ont une origine commune ; mais elle nous montre que leur différenciation est moins complète qu’elle ne le paraît au premier abord.

Les névropathes et en particulier les hystériques, qui présentent à l’état normal un certain degré d’anesthésie s’étendant au sens musculaire, et entraînant une faiblesse musculaire corrélative, lorsqu’on parvient à réveiller artificiellement leur sensibilité, nous montrent ces phénomènes avec une exagération qui les fait mieux comprendre. Chez un sujet de ce genre, on peut voir la force dynamométrique doubler sous l’influence d’une excitation sensorielle un peu vive. Ce que fait la sensation ou l’hallucination, le souvenir qui n’est en somme qu’un rappel de sensation, peut aussi le provoquer quand il est très intense. Ces faits nous montrent que toute excitation détermine immédiatement une production de force, et on peut en déduire que les fonctions psycho-physiologiques, comme les forces physiques, se réduisent à un travail mécanique.

Nos expériences montrent en somme que dans des circonstances appropriées le dynamomètre peut être appliqué à la mesure des sensations ; nous allons revenir sur le détail.

Nous avons vu précédemment que si un certain degré d’excitation cérébrale développe l’énergie musculaire, la fatigue intellectuelle l’amoindrit. Les excitations des organes des sens nous montrent des faits analogues. Si nous prions un sujet de la catégorie des hypnotisables de regarder un objet médiocrement lumineux, il se produit tout de suite une excitation motrice, qui, au bout de quelques instants, commence à décroître quand le sujet commence à se plaindre de fatigue si l’on prolonge l’excitation, le sommeil arrive. Un bruit continu, une vibration mécanique continue, etc., produit exactement les mêmes effets avec le même ordre de succession. Lorsque, au lieu d’une excitation modérée et prolongée, on fait une excitation brusque et très intense, le sommeil peut se produire d’emblée. Ces faits concordent avec ceux que M. Brown-Séquard a groupés sous les noms si heureusement formés d’ailleurs de dynamogénie et d’inhibition ; et ils nous montrent qu’en somme les excitations périphériques sont susceptibles de déterminer suivant leur intensité et leur durée des effets excitants ou des effets dépressifs qui peuvent s’exagérer jusqu’à la convulsion ou jusqu’à la paralysie.

Si nous considérons isolément les excitations portant sur les divers organes des sens, nous arrivons à des résultats qui ne manquent pas d’intérêt et qui offrent, sur bon nombre de points, une concordance remarquable.