Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

l’appui de la conclusion que nous aurons à tirer plus tard d’autres faits, à savoir que les sensations sont agréables ou pénibles, suivant qu’elles augmentent ou diminuent l’énergie potentielle. En tout cas, le fait lui-même nous indique qu’au point de vue pédagogique au moins, il serait nécessaire de surveiller de plus près le choix des morceaux que l’on fait exécuter aux enfants. Il nous montre en outre que la musique est susceptible, comme l’expérience a semblé d’ailleurs le montrer depuis un temps immémorial, de rendre quelques services dans le traitement de l’aliénation mentale, à condition toutefois que son usage ait été réglé d’avance sur une étude méthodique. Cette indication, nous le répétons, est loin d’être nouvelle ; toutefois nos observations ajoutent cette notion que la musique n’agit pas seulement par le rhythme, comme on l’a affirmé jusqu’à présent[1], mais par le son lui-même.

B. Pour ce qui est des excitations du sens de la vue, les résultats obtenus ne sont pas moins remarquables. L’étude des hallucinations provoquées chez les hypnotiques nous avait déjà montré que les couleurs étaient susceptibles d’être classées, au point de vue de leur pouvoir dynamogène, dans un certain ordre, qui paraissait être : rouge orangé, vert, jaune, bleu. Des recherches faites sur les sensations réelles nous avaient donné des résultats analogues. Les effets sont très nets sur un grand nombre de sujets pour les couleurs les plus actives (fig. 18), mais ils sont particulièrement marqués sur les sujets nerveux que nous avons déjà pris comme réactif, dans nos précédentes recherches. Ainsi sur celui qui nous a déjà servi de type et dont nous avons donné l’état dynamométrique normal pour la main droite 23, nous voyons que l’impression des rayons lumineux passant soit à travers une lame de verre, soit à travers une lame transparente de gélatine colorées porte la pression à 42 pour le rouge, pour l’orangé à 35, pour le jaune à 30, pour le vert à 28, pour le bleu à 24.

On remarquera que, dans ces expériences sur les sensations réelles, le jaune n’occupe pas la même place que dans les expériences relatives aux hallucinations de la même couleur. Cette contradiction est des plus instructives. En effet, dans de nouvelles recherches entreprises avec M. Londe et dans lesquelles nous avons opéré avec les couleurs du spectre, en décomposant la lumière blanche à l’aide d’un prisme au sulfure de carbone, nous avons vu très nettement que les effets dynamiques des excitations par les rayons colorés vont en diminuant du rouge à l’orangé, au vert, au bleu, au violet ; le jaune se confondant avec le bleu et ayant des effets beaucoup moins précis. La première erreur venait de ce que les verres soi-disant jaunes que j’avais employés étaient en réalité d’une couleur orangé dégradé : il est intéressant de

  1. Soula, Essai sur l’influence de la musique et son histoire en médecine. Thèse 1883.