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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

VIII

Comme le fait remarquer Spencer, les phénomènes de plaisir et de douleur sont peut-être les plus obscurs et les plus embrouillés de la psychologie ; aussi avons-nous cru qu’il ne serait pas sans intérêt d’apporter quelques faits propres à éclairer leur genèse.

Au cours de nos recherches nous sommes arrivé par l’excitation de divers organes insensibles à la démonstration expérimentale de ce fait que toute excitation même non perçue, toute perception latente, détermine un effet dynamique. Ce résultat, qu’on pouvait prévoir en se basant sur des considérations théoriques, offre un grand intérêt, non pas seulement au point de vue de la physiologie ; la pathologie et la thérapeutique peuvent encore en faire leur profit. Toute excitation, qu’elle soit perçue ou non, détermine dans une partie du système nerveux une accumulation d’énergie potentielle qui s’emmagasine et devient susceptible de se décharger sitôt qu’une nouvelle excitation periphérique, même minime, viendra s’ajouter. Les expériences montrent en effet que les effets dynamiques d’une irritation périphérique ne se manifestent pas seulement sur les muscles de la vie de relation, mais encore sur les muscles de la vie organique ; la suractivité circulatoire par exemple est très nette : il y a longtemps d’ailleurs que Haller a observé que le son du tambour exagérait l’écoulement de sang d’une veine ouverte. Cette influence des excitations périphériques sur l’activité circulatoire et par conséquent l’activité nutritive peut expliquer comment un vésicatoire par exemple, peut déterminer des phénomènes de nutrition, résorption de liquides, etc. avec une prédominance du côté correspondant, mais capables de se montrer à un certain degré à distance. La constatation des effets circulatoires des excitations périphériques nous sera utile encore pour l’interprétation de certains phénomènes psychiques ; et nous y reviendrons plus tard en détail.

Toutefois, il est nécessaire de citer tout de suite un certain nombre de faits acquis qui indiquent nettement que ce n’est pas seulement sur le système musculaire de la vie de relation que les excitations périphériques ont une action. Ces faits n’ont pas été étudiés au point de vue qui nous occupe, mais leur constatation par des observateurs non prévenus n’en a que plus de valeur pour les systématisations que nous proposons. Magendie avait déjà remarqué les effets circulatoires des excitations périphériques, et il avait même indiqué l’hémodynamomètre comme moyen de mesurer la sensibilité. Claude Bernard[1] avait été frappé des mêmes faits et en avait conclu que la sensibilité règle et gouverne la circulation, et par suite, la nutrition. Nous avons cité l’observation de Haller ; récemment M. François Franck, MM. Charpentier et Couty ont montré, avec quelques divergences d’opinion d’ailleurs, les effets

  1. Cl. Bernard, Leçons sur la chaleur animale, p. 409.