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taine mesure, et d’autre part, on ne peut guère nier qu’il n’y ait là un ensemble de tendances susceptible de fournir un sérieux appoint à l’idéalisme.

Ces remarques justifieront peut-être le rapprochement fait ici entre les thèses soutenues par le vieil Éléate et les travaux récents sur la notion du continu ; par les unes, comme je l’ai dit en suite de la reconnaissance des εἴδη μαθηματικά, des notions abstraites mathématiques, une base a été fondée pour la construction des systèmes idéalistes ; les travaux modernes aboutiront peut-être à la constitution de notions mathématiques plus élevées, et séparées de la réalité objective par un abîme encore plus profond. Si les mathématiques ne se séparent pas définitivement de la philosophie, à la suite des nécessités de la spécialisation scientifique, un nouveau Kant pourra ainsi trouver préparés les fondements d’un nouvel et durable édifice ; le philosophe de Kœnigsberg n’a guère utilisé que ceux qui subsistaient depuis déjà de longs siècles.

Quoi qu’il en soit de ces prévisions, on ne peut nier qu’à l’heure actuelle un courant assez marqué ne s’accentue, surtout en Allemagne, pour diriger les mathématiques dans des voies véritablement nouvelles, si on les envisage au point de vue philosophique. Il s’agit, il est vrai, de questions en général trop complexes, et aussi exigeant trop de connaissances spéciales, pour qu’il soit d’ordinaire possible d’apprécier nettement le véritable caractère des solutions poursuivies, et de tenir le public philosophique au courant de ce qui se débat dans ces hautes régions de la science. Les travaux de M. Georg Canter m’ont paru constituer une heureuse exception, et j’ai tenté d’en donner une idée, si imparfaite soit-elle.

Pour ce mathématicien au reste, il n’y a pas à avoir de doute sur ses visées ; c’est un pur idéaliste, comme principes et comme méthodes ; pour le montrer aux lecteurs qui ont la patience de me suivre, il me reste à dire quelques mots d’une hardie tentative qu’il a faite pour frayer un nouveau chemin où, sans doute, nombre de géomètres se refuseront à le suivre.

VII. Le dénombrement des infinis.

Je reviens à la conception du système ou de l’ensemble bien ordonné. Il faut entendre que tous les éléments de ce système soient unis par une succession donnée et déterminée, d’après laquelle il y a un premier élément du système, et d’après laquelle aussi chaque élément (pourvu qu’il ne soit pas supposé le dernier) est immédiatement suivi d’un autre déterminé.