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ment soit le ridicule de l’événement, soit le plaisir qu’on aurait eu à retrouver un ami, et pour peu que la personne à qui la mésaventure arrive soit impressionnable, c’est-à-dire, si elle a facilement des phénomènes affectifs forts, pendant un moment elle oubliera à peu près tout le reste, la conscience ne sera plus occupée que par les pensées, les images, les états affectifs qui résulteront de l’arrêt des tendances. Nous remarquons alors les circonstances suivantes : 1o les tendances sont directement arrêtées, la force psychique n’est pas attirée par un autre système psychique ; 2o il se produit un assez grand nombre ou un très grand nombre, suivant les cas, de phénomènes psychologiques accessoires ayant tous un rapport étroit avec l’arrêt des tendances ; 3o les forces psychiques de l’homme sont entièrement absorbées par les nouveaux états de conscience, et ceci apparaîtrait encore plus clairement, si nous examinions des émotions plus fortes que celles que j’ai prises pour exemple.

Enfin on pourrait citer un quatrième cas, le cas où l’émotion produite serait extrêmement forte. Si, par exemple, nous perdons subitement une personne qui nous est chère, ou si nous recevons une blessure très douloureuse, une foule de tendances, d’habitudes, sont fortement contrariées en nous. Le nouvel état de conscience qui naît dans ces conditions extrêmes présente de nouveaux caractères : 1o il absorbe toutes les forces psychiques ; 2o il finit lui-même par aboutir à une sorte d’inconscience.

Ainsi nous retrouvons l’inconscience aux deux bouts de la série, quand le phénomène que nous étudions de l’arrêt des impulsions présente des caractères entièrement opposés. En restant dans les limites où la conscience et l’activité psychique sont possibles, nous voyons que, en résumant les observations faites jusqu’ici, nous arrivons à la loi suivante.

Une tendance arrêtée, quand la force psychique qu’elle employait n’est pas entièrement absorbée par un autre système de tendances, donne lieu à un phénomène conscient. Quand ce nouveau phénomène attire à lui la totalité ou la presque totalité des forces psychiques, quand il s’accompagne d’un nombre considérable de phénomènes psychiques se rapportant à lui, arrivant brusquement et mal coordonnés entre eux, qu’il tend à envahir la conscience entière, et que l’impulsion qui l’a produit persiste encore, le nouveau phénomène est un phénomène affectif.

Voilà la loi de la production de l’émotion, on pourrait l’énoncer sous d’autres formes. Remarquons en effet que les phénomènes produits secondairement sont en rapport dans une certaine mesure et en tenant toujours compte des limites entre lesquelles la conscience est pos-