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du geste. Tout le monde, d’ailleurs, est d’accord sur la valeur de l’allure, en général, quand, par exemple, il s’agit de reconnaître une personne dont on ne distingue pas les traits ; et il n’y a nul doute que la plupart des caractères particuliers d’un individu ne viennent se peindre dans le nombre, l’ampleur, la vivacité de ses mouvements.

La façon de parler serait également à étudier dans ce même but d’analyse psychologique, car s’il est vrai de dire qu’il y a autant de manières de penser et de sentir qu’il y a d’individus, il faut reconnaître que ceux-ci diffèrent tout autant par la parole, considérée dans ses multiples éléments, que par la physionomie, les gestes, les sentiments ou les idées.

Au fond de ces études, différentes en apparence, on trouve que la matière de l’observation est en somme toujours la même : c’est l’activité musculaire, sous ses formes ondoyantes et diverses. Qu’il s’agisse du jeu de la physionomie, de la manière de parler, comme de celle de jeter ses bras ou ses jambes, ce sont toujours des muscles en action, toujours des mouvements, en partie volontaires et conscients, en partie involontaires et inconscients. Pris dans son acception la plus générale, le mot geste doit comprendre cet ensemble des fonctions musculaires variées d’où résultent le son de la voix, la manière de parler, l’expression de la physionomie, la mimique des bras et l’allure de la marche ; et dans l’étude approfondie de ces manifestations spéciales de l’activité cérébrale, on trouverait peut-être les éléments d’une connaissance complète de la personnalité.

Or, il est un appareil moteur qui se trouve en relation encore plus intime que les autres, en quelque sorte, avec la fonction cérébrale idéo-motrice, et dont le jeu doit être, en conséquence, un reflet très fidèle des divers modes de cette activité : c’est celui qui préside à l’action d’écrire.

Si on admet que l’individu se révèle et se trahit, à l’occasion, par la contraction imperceptible d’un muscle du visage, par un mouvement d’épaule involontaire, par le son de la voix qui s’altère, par la démarche qui s’embarrasse, peut-on nier que les mouvements de la main qui écrit ne reçoivent une influence de même nature et au moins aussi directe, des idées et des passions qui agitent le scripteur ? Et ce qui ajoute ici de l’intérêt en même temps que de la précision à l’étude de ces rapports, c’est que les caractères graphiques sont les signes permanents des mouvements dont nous parlons ; la photographie instantanée ne pourrait mieux les fixer, tandis que les autres mouvements du geste sont fugaces, difficiles à saisir au passage et à fixer dans la mémoire. Aussi leur étude ne pourrait-elle aller sans